« Le discours sur le handicap est plus ouvert, notamment chez les jeunes générations » : Karim, animateur handicap témoigne

Quel est votre rôle chez Volvo Group ?

J’ai rejoint le groupe Volvo en 2021 en tant que gestionnaire de catégorie achats, sur la partie travail intérimaire. Je suis en lien avec la majeure partie des usines du groupe, notamment côté dotation en personnel et sélection des entreprises qui nous permettent d’embaucher des intérimaires.

Au sein du groupe, la fonction achats représente environ 1 500 collaborateurs. On achète aussi bien des produits finis (les éléments qui vont directement dans les camions) que des services.

Comment êtes-vous devenu animateur handicap ? Étiez-vous déjà familier de ce sujet ?

En rejoignant Volvo, à un peu plus de 30 ans, je commençais à me poser des questions sur le sens au travail. J’avais déjà été impliqué dans des associations ou projets à impact sociétal. Quand j’ai intégré l’entreprise, j’en ai parlé autour de moi et j’ai hérité de la casquette d’animateur handicap Handi’Accord.

Je ne suis pas touché personnellement par le handicap ni aucun de mes proches. En revanche, c’est un sujet qui me parle, car je m’implique dans la diversité et la représentation. Le Groupe nous permet de porter ces valeurs.

Avez-vous douté, au départ, de votre légitimité à porter ce sujet, n’étant pas vous-même concerné ?

Cela a été difficile, oui ! Mais je pars du principe qu’il n’y a pas de « bonne » personne pour cette mission. Je suis là, j’ai envie d’aider, et c’est l’essentiel ! C’est en échangeant avec le service des ressources humaines et au contact des personnes concernées que j’ai appris ce rôle, sur le terrain.

Comment mettez-vous en œuvre cette politique handicap ? Combien de temps consacrez-vous à cette mission ?

Chaque entité de Renault Trucks possède un animateur handicap. L’entreprise signe, tous les trois ans, un accord handicap (Handi’Accord) qui définit des mesures pour sécuriser l’emploi des personnes handicapées et attirer davantage de candidats. Ce dispositif est obligatoire pour les entreprises de plus de 20 salariés, et Renault Trucks le porte depuis plus de 30 ans. Il a été renouvelé l’an dernier pour trois ans.Nous avons constitué un groupe de volontaires, environ 15 personnes dont un noyau dur de 5-6 personnes. On se réunit toutes les six semaines afin de proposer des projets de sensibilisation et de se les répartir. On a des sponsors (management) qui nous soutiennent et débloquent du budget, si besoin.

On doit aussi rendre compte aux organisations syndicales deux fois par an. Une responsable Mission handicap coordonne également les initiatives, exécute l’accord et présente des rapports aux managers.

Mon entreprise me laisse libre de gérer mon temps, du moment que mon travail est fait ! Certaines périodes sont très chargées comme pour la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées (SEEPH) ou le DuoDay *, en novembre.

Volvo Group rassemble de nombreux métiers. Les enjeux sont-ils différents pour le tertiaire et la production ?

Oui ! La majorité des salariés en situation de handicap travaillent en usine. On a plus de difficultés à recruter dans le tertiaire, car il y a malheureusement moins de personnes diplômées des cursus requis.

Quelles actions concrètes avez-vous mis en place ? Sont-elles ciblées selon la population concernée ?

On n’a aucune limite : conférences, ateliers immersifs (bandes sur les yeux pour simuler la malvoyance, verre à boire avec une main attachée…), ateliers en virtuel, témoignages internes et externes. L’objectif est de se familiariser avec le handicap. Au début, je craignais de mal m’exprimer vis-à-vis de ces sujets, puis j’ai compris que le plus important, c’est d’en parler !

On ne peut pas vraiment cibler les actions, car le handicap se manifeste sous des formes multiples. Environ 80 % des handicaps sont invisibles, comme la dyslexie, le diabète ou encore la sclérose en plaques. En 2023, on a invité le cuisinier Grégory Cuilleron pour aussi montrer qu’un handicap visible n’empêche pas d’exceller. Cette année, on se concentre sur le handicap invisible avec des conférences (neuroatypiques, troubles dys (dyslexie et dysorthographie)), des partenariats avec des athlètes paralympiques comme Cécile Hernandez, une snowboardeuse atteinte de sclérose en plaques

On a aussi eu de bons retours après une conférence sur l’autisme. Des parents se sont rencontrés, ce qui crée du lien et du soutien. A notre siège, en Suède, ils organisent aussi des déjeuners entre parents d’enfants concernés par le handicap, j’aimerais qu’on mette cela en place ici ! Nous avons aussi créé Diversabilities, un réseau global Volvo réunissant des animateurs handicap du monde entier. L’objectif est de sensibiliser à l’échelle internationale via des podcasts, des directs, etc.

Je travaille également avec des agences d’intérim, qui ont un rôle crucial à jouer dans le recrutement de personnes en situation de handicap.

Avez-vous également un rôle d’écoute ?

Oui ! Je rencontre des personnes qui ont obtenu le statut RQTH (reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), et qui ont besoin d’aménagements ou de jours de congés spécifiques. J’ai déjà accompagné quelques collaborateurs. Cela dépasse parfois le cadre strict du travail, mais c’est très enrichissant !

On essaye aussi, notamment via des conférences, d’expliquer ce qu’est la RQTH et comment l’obtenir. On veut que tout le monde soit à l’aise pour en parler. L’entreprise met en place des mesures, mais beaucoup de personnes craignent d’être stigmatisées. Des assistantes sociales nous aident à monter les dossiers. On avance pas à pas, mais il faut parfois faire preuve de pédagogie pour que les managers acceptent les recrutements et aménagements nécessaires.

Depuis 2021, la période à laquelle vous avez pris vos fonctions d’animateur handicap, avez-vous constaté des évolutions auprès des salariés ?

Plus de personnes viennent me voir directement et se déclarent RQTH. Le discours est plus ouvert, notamment chez les jeunes générations, sur des troubles invisibles comme la dyslexie. Je suis convaincu que Renault Trucks est une entreprise accueillante, avec un management bienveillant et impliqué. Beaucoup de personnes handicapées participent elles-mêmes aux groupes de travail.

Quel impact cette mission a-t-elle sur votre quotidien ?

J’ai gagné en empathie et je fais davantage attention à différents signaux. J’y vois aussi une façon de contribuer à la société, au-delà de mon poste. En tant que jeune père, je souhaite un monde inclusif pour mon enfant.

* Une entreprise, une collectivité ou une association invite une personne en situation de handicap à passer une journée avec un professionnel volontaire, à l’occasion d’une journée nationale de sensibilisation.