Comment la technologie transforme-t-elle les métiers du conseil chez KPMG ?

Les métiers du conseil ont connu de profondes mutations ces dernières années avec l’essor des nouvelles technologies, et notamment avec l’avènement de l’IA qui a complètement bousculé les pratiques établies.

Illustration de cette transformation chez KPMG, à travers les témoignages de Jérémy Brossard, Senior Manager spécialisé dans la transformation digitale autour des solutions Microsoft, et Benjamin Veritas, Manager Tech Strategy & Transformation, expert en stratégie IA. Tous deux sont membres du département Connected Tech, l’offre technologique de bout-en-bout de KPMG Advisory.

Vous intervenez à des moments clés dans la transformation digitale des entreprises. En quoi consiste concrètement votre rôle ?

Jérémy : Mon rôle est d’accompagner les entreprises, de la PME au grand groupe du CAC 40, dans la modernisation de leur système d'informations en combinant expertise technologique et vision stratégique.

Jérémy Brossard

Senior Manager spécialisé dans la transformation digitale autour des solutions Microsoft

À mon niveau, j'interviens à toutes les étapes du cycle de transformation, de la réponse à l’appel d'offres jusqu'au suivi post-projet. Cela inclut la définition de la stratégie digitale, le choix des solutions, le pilotage de l'implémentation avec nos équipes expertes, ainsi que la relation client dans la durée. Je participe également à la structuration de notre offre au sein du cabinet afin d'aligner nos services sur les enjeux du marché ainsi que sa promotion marketing.

Pour cela, je m’appuie sur les solutions Microsoft, notamment ERP (Dynamics 365 Finance & Operations / Business Central) et CRM (Dynamics 365 Sales, Marketing, Customer service, Field Service) et bien sûr les solutions d’intelligence artificielle (Agent et copilot) ainsi que la Power Platform (permettant la création d'apps en low code- nocode)

Benjamin Veritas

Manager Tech Strategy & Transformation, expert en stratégie IA

Benjamin : De mon côté, je travaille sur la partie stratégie et pilotage de projets technologiques, en particulier dans le secteur des services financiers avec mon associé Yann Camenen. Mes missions consistent à accompagner les dirigeants d’entreprise (CEO, CIO, CTO, etc.) pour que leur organisation soit plus compétitive et efficiente. Je les aide à définir leur schéma directeur, à piloter leur plan de transformation, évaluer leur modèle organisationnel et leur stratégie de mise à l’échelle de l’IA.

En parallèle de mes missions, je coordonne avec l’associé Pierre-Antoine Delahousse un groupe de travail, nommé « Les PugnIAces » qui développent nos activités sur l’IA. Par exemple, le groupe de travail produit l’étude « Trends of AI », fruit d’un partenariat entre Les EnthousIAstes (un club de décideurs IA de +100 entreprises) et KPMG, représenté par Sébastien Denoual, l’associé qui pilote l’étude et ses 8 verticales métier (Tech, Marketing, Expérience client, RH, Supply Chain, Achat, Risques et Finance). J’interviens donc en mission sur la stratégie de transformation, mais je suis également sur le « front » en interne pour anticiper les enjeux de transformation à venir.

Au quotidien, qu’est-ce qui vous fait vibrer dans votre travail ?

Benjamin : C'est vraiment l’humain. Le fait de rencontrer des personnes talentueuses qui détiennent leur propre expertise est très enrichissant chez KPMG. La taille importante du cabinet ne nous empêche pas de nouer des relations avec plein d’interlocuteurs différents de celui du conseil, comme les équipes du marketing, les actions écoles, la fondation KPMG (pour aider les plus démunis), etc. J’apprécie également le fait d’apprendre à connaître de nouveaux clients, de découvrir d'autres approches et d’autres cultures d’entreprise. Le conseil est également en constante évolution, ce qui est formateur !

Jérémy : Ce que je préfère dans mon travail, c’est la non-redondance des missions. On est amené à côtoyer des clients de tailles et de secteurs d'activité différents. Mais également, comme Benjamin, le fait de travailler en collaboration avec l’intégralité des tribus KPMG. On s’enrichit des expertises des autres, c’est formateur.

Comment la technologie s’intègre-t-elle dans vos missions respectives ?

Benjamin : Notre gros sujet du moment, c’est l’IA. À titre personnel, j’utilise notre outil interne d’IA, qui s’appelle BrAIns, notamment sur des phases d'analyse, mais aussi pour des traductions, puisque grâce à lui, on peut traduire des documents d’une trentaine de pages en seulement une minute.

Nous sommes cependant conscients que l’IA nécessite une forte vigilance sur les résultats produits. Nos missions doivent conserver le même niveau de qualité de conseil et continuer de « générer », au-delà des mots, de la confiance.

Jérémy : La technologie est au cœur de mon quotidien. J’utilise notamment des outils comme Microsoft Copilot (IA développée par Microsoft), qui me permettent d’être plus exhaustif et plus rapide dans mes analyses et recommandations. Ces assistants intelligents me font gagner en efficacité, notamment dans la préparation de livrables, la synthèse de documents ou l’analyse de données.

En tant que responsable commercial, mon outil de travail principal reste le CRM, qui centralise l’ensemble des interactions avec mes clients et me permet de piloter les opportunités, les projets en cours et la stratégie commerciale avec une vue à 360°. Grâce à l’IA, je peux relier directement les données de mon compte Outlook (les informations d'une opportunité, un contact client, etc) à mon CRM de manière automatique. L’IA peut me produire une synthèse des échanges avec ce client, sur les 12 derniers mois en quelques secondes.

Aujourd’hui, l’IA n’est plus un simple assistant virtuel, mais il est en train de devenir un orchestrateur virtuel, nous permettant d’aller plus loin dans les possibilités d'accélération de nos capacités.

En quoi les métiers du conseil ont-ils évolué ces dernières années grâce à la technologie ?

Jérémy : Les métiers du conseil ont profondément évolué avec la technologie. On est passé d'une logique de système disparate et sur-mesure à une stratégie de centralisation et d'homogénéisation des solutions technologiques. Aujourd'hui, on privilégie davantage les solutions standards du marché, comme celles proposées par Microsoft dès que cela est pertinent. Cela permet de réduire la complexité, les coûts de maintenance sur le long terme et d'accélérer la mise en œuvre.

Benjamin : Notre façon de pratiquer le conseil a évolué significativement avec le Covid (impact réel en 2020), qui est venu bousculer notre mode de travail et surtout, nous prouver que nous pouvions être beaucoup plus digitalisés que nous le pensions. L’arrivée de ChatGPT (impact réel en 2023) a ajouté à cette transformation, celle de l’assistant qui nous fait gagner un temps encore inimaginable, il y a seulement 3 ans. Nos clients voient désormais davantage leur IT comme un pilier stratégique de leurs organisations, plutôt qu’un centre de coûts.

Qu’est-ce que vos clients attendent de vous désormais ?

Jérémy : La maturité technologique de nos clients a progressé au fil de ces années, surtout depuis le Covid, ils attendent donc désormais des recommandations plus stratégiques, dans une logique de transformation continue.

Il y a 10 ans, lorsque l’on mettait en place un gros projet SI (système d’information), il tournait pendant 5 à 10 ans, puis on effectuait un update lourd de nos outils SI/métier. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans cette logique, mais plutôt dans celle d’une amélioration permanente avec les technologies Cloud.

Benjamin : Au niveau du conseil, on attend de nous d’être beaucoup plus rapide, plus performant, et d’avoir un « coup d’avance ». Quand nous parlons de « coup d’avance », ce sont principalement sur ces trois questions de nos clients : Comment l’IA peut augmenter ma productivité et réduire mes coûts ? Quels sont les nouveaux métiers qui vont émerger d’ici 2030 ? Comment préparer l’accompagnement au changement avec la vague de l’IA ?

Nous devons donc constamment repousser nos limites et proposer des solutions intelligibles, faisables et pérennes.

Quelles sont les technologies que vous utilisez le plus dans vos projets ?

Jéremy : Les technologies les plus utilisées dans nos projets tournent principalement autour de l’écosystème Microsoft, notamment Dynamics 365 pour les ERP et les CRM. Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de projet sans une dimension IA ou Business Intelligence. L’IA générative, comme Copilot, et la BI embarquée sont devenues des leviers essentiels pour aider les entreprises à maintenir un avantage concurrentiel, quel que soit leur secteur d’activité. Ces technologies nous obligent à nous réinventer en permanence et exigent une grande agilité dans la manière dont nous concevons et implémentons les projets.

À titre personnel, j’utilise celles de Microsoft. La multinationale informatique a mis en place la plateforme Azure AI Foundry, qui permet de développer des agents IA sur des modèles IA divers et variés. Actuellement, il y a plusieurs centaines de modèles différents (Open AI, Meta, Mistral). L’objectif pour nous, grâce à cette technologie, est de développer des agents IA sur-mesure et adaptés aux process des métiers visés, pour automatiser et fiabiliser des tâches et process complexes.

Benjamin : Nous capitalisons beaucoup sur l’environnement technologique offert par notre centre d’innovation « Insights Center », pilotée par Albane Liger-Belair et Iris Letschert. Nos clients apprécient les écrans qui intègrent les dernières technologies de brainstorming, de co-building et d’innovation, avec une acculturation possible aux outils d’IA. Nous avons eu plusieurs retours élogieux de leur part, ce qui gratifie notre travail !

Un exemple concret où la tech a apporté une réelle valeur ajoutée à une mission client ?

Jérémy : Récemment, un de nos clients du secteur manufacturier a modernisé l’ensemble de sa chaîne de production avec des équipements neufs. Nous lui avons recommandé d’y intégrer des capteurs IoT*, connectés à son ERP Microsoft. Grâce à l’intelligence artificielle, les données remontées en temps réel sont analysées automatiquement, permettant de détecter des signaux faibles et de déclencher des interventions préventives. Cette approche permet d’anticiper les pannes, d’éviter les arrêts de production et d’optimiser la performance industrielle.

Benjamin : Un glossaire sur des termes techniques assurantiels nous a été demandé par notre client pour faciliter la compréhension des moins initiés. Un travail qui, nous aurait pris plusieurs heures, n’a pris que quelques secondes avec l’IA générative et 30 minutes de relecture. Dans le cadre d’une analyse d’une quarantaine de graphiques, Microsoft Copilot a su générer en quelques minutes des insights de premier niveau, qui n’ont nécessité que quelques minutes de revue. Beaucoup d’autres usages semblables nous ouvrent l’ère du « conseil augmenté », et ce n'est que le début !

* L’IoT décrit le réseau de terminaux physiques, les « objets », qui intègrent des capteurs, des softwares et d'autres technologies.