Vous souhaitez mettre votre savoir au service d’une industrie « plus propre, plus sûre et plus efficace » ? Voici les nombreux métiers qui recrutent

Fin 2023, 3,4 millions de personnes travaillaient dans l’une des 322 000 entreprises françaises du secteur industriel (Insee). Compétitivité, enjeux environnementaux, vieillissement d’une partie des salariés : l’industrie vit actuellement de profondes mutations impactant les métiers qui y coexistent. Morgan Aubry, directeur du développement industriel et santé chez fortil group, entreprise d’ingénierie et de conseil en technologies, nous éclaire sur les métiers et domaines qui recrutent (et recruteront) dans l’industrie.

Éolien, chimie, aéronautique… des secteurs porteurs

Les secteurs les plus prometteurs sont ceux de l’énergie, explique Morgan : « Le nucléaire, le solaire, l’éolien et tout ce qui touche à la décarbonation. Chez fortil group, nous menons de nombreux projets “d’energy saving”, pour réduire l’empreinte énergétique et carbone des sites industriels. »

L’aéronautique et le spatial, après un ralentissement lié à la pandémie, connaissent un fort regain. « Les investissements visent la relance et la transformation de la filière, notamment sur les matériaux et les moteurs, pour réduire les émissions », éclaire-t-il.

Morgan Aubry

Directeur du développement industriel et santé chez fortil group

« L’industrie du futur » (4.0 et 5.0) est aussi en pleine expansion : « L’usine connectée permet la collecte et l’exploitation de données. C’est un formidable levier d’embauche », observe Morgan. De même, la chimie verte, la pharmacie et les biotechnologies manquent de candidats. « La défense recrute aussi davantage, en lien avec le contexte géopolitique, mais ce sera sans doute un cycle d’une dizaine d’années. »

Des métiers qui intègrent de nouvelles composantes techniques

Ces transformations ne font pas émerger de nouveaux métiers, mais transforment ceux existants avec « l’intégration de nouvelles composantes techniques : intelligence artificielle, connectivité, cybersécurité, etc. »

L’éco-conception en est un bon exemple : « On demande aujourd’hui à l’ingénieur de se réinventer, de réfléchir autrement, de repenser ses pratiques. On passe d’une ingénierie répétitive à une ingénierie d’adaptation permanente, projet par projet », constate-t-il.

… et se focalisent sur les bâtiments industriels

Les métiers les plus recherchés concernent les matériaux, l’éco-conception, la maintenance et la numérisation du bâtiment. Le BIM management, ou modélisation 3D intelligente, est en forte progression. « Avant, on travaillait sur des plans 2D. Aujourd’hui, la 3D intègre capteurs et suivi de la vie du bâtiment, de la conception à la déconstruction », abonde Morgan.

En découle une demande très forte pour les métiers liés à l’IoT, à la data et à son analyse : « Ces profils sont indispensables pour exploiter les données issues des capteurs et améliorer les cycles de production », pointe-t-il.

Les professions de la maintenance et de la qualité restent très demandées. « La maintenance évolue énormément. Elle n’est plus seulement mécanique : elle devient mécatronique, électronique, elle intègre des capteurs connectés et sera de plus en plus prédictive. La qualité, de son côté, va inclure et traiter un grand volume de données issues de ces capteurs, pour piloter différemment la production et anticiper les défaillances », souligne Morgan.

Une industrie à la recherche de spécialistes

Depuis plusieurs années, un déséquilibre persiste entre l’offre et la demande de candidats. « Les métiers liés à la conception et à la construction d’outils de production sont très recherchés : ingénierie nucléaire, chimie, pharmaceutique, biotech, etc. On conçoit désormais des unités de production modernes intégrant l’automatisme, la robotique, la mécatronique, l’IoT, la maintenance prédictive et les économies d’énergie », détaille Morgan.

Ce déséquilibre s’explique en partie par un écart entre la formation et les besoins des entreprises. « Les écoles forment encore beaucoup de profils généralistes, alors que l’industrie a besoin de spécialistes. » Autre frein : « L’image vieillotte de l’usine, alors que les métiers sont passionnants et très diversifiés. »

La clé, selon Morgan, réside dans la spécialisation : « Les compétences sont souvent transférables. Par exemple, la qualité repose sur les mêmes principes dans le nucléaire ou l’automobile ; seules les normes changent. »

De surcroît, les populations techniques vieillissent, notamment dans la maintenance.

« Beaucoup de départs à la retraite arrivent, ce qui accentue la pénurie. Mais cette évolution peut aussi être vue comme une chance. Les métiers se transforment, ce qui permet d’intégrer de nouveaux talents avec des compétences adaptées aux technologies actuelles », tempère Morgan.

Des postes « plus technologiques, moins physiques et accessibles à tous »

Cette transformation rend les métiers plus ouverts, notamment aux femmes et aux jeunes. « Les femmes sont encore peu présentes, sauf dans la qualité, mais la féminisation va progresser. La maintenance devient plus technologique et donc plus accessible à tous », observe Morgan.

L’enjeu d’image reste cependant fort : « L’industrie française doit casser le cliché de l’usine sale et bruyante. L’automatisation change tout : les postes évoluent vers plus de pilotage et d’analyse. »

Les jeunes générations, sensibles à l’écologie, peuvent aussi y trouver du sens. « L’industrie offre un levier concret pour participer à la transition. On a besoin de talents conscients des enjeux écologiques et capables de mettre leurs savoirs au service d’une industrie plus propre, plus sûre et plus efficace », insiste-t-il.

Des compétences techniques, certes, mais aussi humaines

« La technique s’apprend. Ce qu’on recherche, c’est la curiosité, l’envie d’apprendre, la proximité avec le produit, la capacité à collaborer, à s’ouvrir aux autres et à se réinventer en permanence. On a besoin de personnes qui acceptent le changement, qui osent remettre en question leur façon de faire, car chaque projet industriel, dans les cinq à dix prochaines années, sera différent du précédent », conclut Morgan.

En résumé, les opportunités d’emploi continueront d’affluer dans les années à venir. Voici une liste, non exhaustive, des métiers les plus recherchés dans l’industrie :

Métiers de la construction et de l’éco-conception

• Ingénieur en éco-conception / ingénieur matériaux
• BIM manager / spécialiste de la modélisation 3D (CAO 3D)
• Ingénieur en conception et réalisation d’unités de production : « Construire des unités de production, ce n’est pas seulement du BTP, c’est aussi concevoir l’outil de production complet en intégrant automatisme, robotique, maintenance et économie d’énergie. »

Métiers de la maintenance

• Technicien / ingénieur maintenance
• Ingénieur en maintenance (maintenance prédictive)

Métiers du numérique, de la donnée et de l’IoT

• Data scientist / data analyst
• Ingénieur / technicien IoT (Internet des objets industriels)
• Ingénieur IT-OT (intégration informatique/opérationnelle) : « On ne crée plus d’usine sans infrastructure IT-OT pertinente et sécurisée. Ces métiers connectent les mondes de l’automatisation et de l’informatique industrielle. »
• Ingénieur cybersécurité industrielle : « Avec la connexion croissante des outils, il faut mettre les bons verrous pour protéger les infrastructures industrielles. »

Métiers liés à la qualité et à la production

• Ingénieur / responsable qualité industrielle : « La qualité évolue fortement : on passe d’un contrôle en fin de chaîne à un contrôle permanent grâce aux capteurs. »
• Ingénieur procédés / production : « Peu d’écoles forment à la production en usine. Pourtant, ce sont des métiers passionnants et diversifiés. »

Métiers émergents et en tension

• Ingénieur en énergie / ingénieur en energy saving
• Ingénieur en chimie verte / biotechnologies / pharma
• Ingénieur en aéronautique et spatial (nouveaux matériaux / moteurs)
• Ingénieur nucléaire : « Il y a actuellement une très forte tension sur ces postes, avec les investissements massifs annoncés en France. »