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Être bien au travail

Stress en entreprise : nos biais cognitifs sont-ils nos pires ennemis ou nos meilleurs alliés ?

Par Hugo Diverres Publié le

Zoom sur les ressorts invisibles de nos comportements en entreprise.

Stress en entreprise : nos biais cognitifs sont-ils nos pires ennemis ou nos meilleurs alliés ?
Les neurosciences à l'épreuve du stress en entreprise. © olly/stock.adobe.com

Et si le stress n’était pas une fatalité liée à l’environnement de travail, mais un mécanisme interne, ancré dans notre cerveau, qu’il est possible de désamorcer en apprenant à se connaître ? Pour Stéphane Ginnochio, spécialiste des neurosciences appliquées et professeur permanent au Collège de Paris, l’une des clés pour la prévention du stress en entreprise réside dans la compréhension de nos biais cognitifs. Grâce à la métacognition et à des outils de diagnostic, il invite salariés et managers à reprendre le contrôle de leur perception… pour prévenir plutôt que guérir.

Selon vous, pourquoi certaines personnes restent calmes face à la pression, quand d’autres s’effondrent ?

D’une part, il y a ceux qui ont appris à maîtriser leur biais cognitif dominant et savent garder leur lucidité. Ils savent comment ne pas réagir avec leur 95 % de cerveau automatique et mettre en route les 5 % de réflexion. C’est ce que font, par exemple, les gens du GIGN ou les chirurgiens. Quand le chirurgien opère, heureusement qu’il est capable de rester dans les 5 % pour agir avec calme et réflexion. Ces personnes ont appris, via une forme de métacognition (on y reviendra), à stopper immédiatement une émotion dès qu’ils ressentent que c’est un biais qui les guide. Cela s’apprend et se travaille.

D’autre part, il y a des gens dont c’est la réponse spontanée, instinctive, d’être calmes. Mais ça ne veut pas dire qu’ils ne stressent pas. Le stress est avant tout un mécanisme naturel de survie qui permet à l’humain de se prémunir des menaces. Tout le monde stresse et heureusement, puisqu’il s’agit d’une réponse réflexe à un stimuli de danger. Le problème dans nos vies modernes, dans le cadre du travail par exemple, est qu’il n’y a pas de menace réelle au sens d’un danger mortel… Le stress répété est alors quelque chose qui abîme, et que chacun exprime différemment en fonction de son profil.

En quoi les neurosciences, et la compréhension de nos biais cognitifs, peuvent aider à prévenir le stress au travail ?

Ma grand-mère disait « on est tous différents, les goûts, les couleurs… ». Elle avait raison : nous sommes des semblables, mais pas des identiques. C’est un premier point essentiel dans le cadre de la prévention du stress en entreprise. Cela évite d’en vouloir à un collègue qui réagit différemment de soi face à une même situation, de ne pas le comprendre ou de penser qu’il exagère.

Mais le plus important est de comprendre le mécanisme qui génère le stress. Pour rappel, le stress n’est pas une émotion. Il va déclencher des neurotransmetteurs, comme le cortisol par exemple, qui vont activer des zones qui génèrent des émotions. Puis l’émotion déclenche le comportement. Ça veut dire que si je veux désactiver le mécanisme du stress, il va falloir que je comprenne d’où vient le comportement que je ressens dans mon corps. Si on part du principe qu’on ne fait pas face à une menace réelle, alors c’est que ma perception est biaisée. J’interprète un stimulus comme menaçant sans raison valable, et c’est problématique. Il faut donc opérer une sorte de court-circuit dans mon cerveau pour changer cette interprétation. Comment ? Par la métacognition. C’est-à-dire avoir une vue supérieure de moi-même pour regarder comment je fonctionne. L’idéal est de faire un test qui me met face à moi-même, sans aucun mauvais calcul ou méchanceté, dont le résultat permet de me regarder dans le miroir. Ce test permet d’aller chercher son biais cognitif dominant, c’est-à-dire le raccourci qui m’imprègne le plus dans le cadre du stress. Moralité : si tu ne te connais pas toi-même, tu ne peux pas réduire les causes de ton stress, qui sont des interprétations biaisées… mais qui ne te servent pas.

Quels sont les biais cognitifs qu’on croise régulièrement dans le monde du travail et qui nuisent au bien-être des salariés ?

Le plus évident est le biais de négativité. C’est lorsqu’un événement négatif reçoit plus d’attention et de foi qu’il ne le mérite. En gros, je vois tout en noir. En entreprise, ça crée un climat dominé par les problèmes, au détriment des innovations ou des retours positifs. Dans un tel contexte, un salarié peut ne plus se sentir en sécurité psychologique et se replier sur lui-même. Un autre biais très répandu est le biais de présentisme : juger le passé avec les attentes du présent, sans contextualiser. Cela influence les audits, les retours critiques… et tout devient biaisé, parce qu’on compare ce qui n’est pas comparable.

Mais il existe de très nombreux autres biais. Je viens justement de mettre en ligne un Codex des 120 biais cognitifs avec des définitions, des applications en entreprise et des sources universitaires.

Une dynamique d’équipe négative peut-elle résulter d’un mécanisme cognitif collectif ?

Ce n’est pas un biais collectif, c’est une contagion émotionnelle. L'un des principaux responsables est le biais d’exposition : à force d’entendre quelque chose, on finit par y croire. Comme on est tous semblables, même si ce n’est pas notre biais dominant, il peut résonner. Les neurones miroirs s’activent au même endroit dans le cerveau et cela crée une empathie automatique, un sentiment d’appartenance qui renforce la croyance collective. C’est d’ailleurs sur cela que s'appuie le neuromarketing.

Quelles actions de prévention ou de réduction du stress peut-on mettre en place en entreprise, à l’échelle individuelle ou collective ?

Individuellement, j’insiste vraiment sur la prise de conscience par la métacognition. Si la personne est volontaire, ou si un test révèle une dissonance, il faut l’inviter à consulter un référent prévention des RPS au sein de l’entreprise. Ensuite, les outils de structuration du travail peuvent facilement changer le quotidien pour surveiller sa charge cognitive et s’éviter une surcharge inutile. Par exemple, la matrice d’Eisenhower. Cette méthode multiplie la performance par 10, car on traite immédiatement ce qui est vraiment utile.

Collectivement, si on détecte un biais qui influence les autres, comme le biais d’interprétation agressive par exemple, on peut faire des jeux de rôles, des ateliers. Il y a un petit jeu tout simple mais très efficace dans ce genre de cas : on ferme les yeux, on se laisse tomber en arrière et quelqu’un d’autre nous rattrape. Grace à cette activité, le cerveau ancre l’émotion sensorielle et cela permet de dépasser cognitivement le biais. Pour le reste, il y a des actions à mener tout au long de l’année : team building, rappel régulier des valeurs communes, test de métacognition 2 ou 3 fois par an (car les gens évoluent). Le team building n’est pas à négliger car il augmente la sécurité psychologique. Si tu te sens en sécurité, tu oses lever la main et dire que tu t’es trompé. Pour paraphraser Simon Sinek : un grand leader, c’est celui dont l’équipe ose dire « je ne sais pas ».

Justement, quel est le rôle des managers dans tout ça ?

Ils doivent être formés. Pas seulement à leur propre biais, mais au care management. Ils doivent intégrer l’idée que les autres sont neuro-différents et que cette différence peut être une force. Dans l’idéal, un manager doit connaître les profils Process Com dans son équipe, les types de leadership, les différences culturelles, etc. Ce sont des formations en neurosciences appliquées au management que je dispense.

Et il faut aussi apprendre à repérer ce qui se passe chez les autres sans projeter ses propres biais. Ce qui n’est jamais évident… Un bon manager doit pouvoir voir quand son collaborateur dit « oui » à tout, alors qu’en réalité il est en train de se cramer. Et ça, c’est même son rôle légal. Il faut aussi éviter le syndrome de Peter : faire d’un excellent technicien un mauvais manager. Il faut accompagner, tester, mentorer. Et parfois, plutôt proposer un grade honorifique pour valoriser sans pousser quelqu’un dans une fonction qu’il ne veut pas.

Est-ce qu’il y a des biais cognitifs dominants qui devraient alerter sur une incompatibilité avec une fonction managériale ?

Oui, notamment les biais sociaux. Par exemple, le biais d’empathie mal placé, où on ressent plus d’empathie pour ses semblables. Tant que ces biais ne sont pas dominants ou qu’ils sont maîtrisés, ça va. Mais sinon, il faut former ou éviter de mettre ces personnes en position d’encadrement.

Découvrez votre biais dominant avec le Codex des 120 biais cognitifs

Y a-t-il d’autres risques psychosociaux, au-delà du stress, contre lesquels l’approche cognitive peut être efficace ?

Selon moi, non. Tout part du stress. Le bore out, le brown out, viennent d’un stress absent ou d’un stress mal orienté. Par exemple, une personne avec un biais de manque de sens va rapidement se démotiver. Il faut un stress optimal, une excitation à faire les choses. Encore une fois, c’est le stress qui déclenche les neurotransmetteurs, qui déclenchent les émotions, qui provoquent le comportement. Le stress n'est donc pas mauvais en soi, il faut juste qu'il ne dépasse pas un certain niveau pour ne pas nous surcharger cognitivement.

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