« Chez nous les résidents ne sont pas des numéros de chambre » : soignantes en Ehpad, elles témoignent

« Je travaille depuis 22 ans à l’Ehpad Korian Grand Maison (près de Toulouse). C’était mon premier poste et je n’ai jamais eu envie de changer », témoigne Emilie Schmit, infirmière IDE. Même discours du côté de sa collègue aide-soignante Claudine Bailly, entrée comme simple stagiaire en 2015, sans diplôme ni expérience dans le secteur.

La raison d’une telle fidélité, plutôt rare dans ces métiers réputés difficiles ? « C’est vrai que le quotidien n’est pas toujours simple. Mais quand on travaille dans la joie et la bonne humeur et qu’il y a de l’entraide, ça change tout ! »

« Je voulais exercer mon métier dans un lieu de vie »

Devenir soignante était une évidence pour Emilie. « Au départ je voulais devenir médecin. Les études étant trop longues, je me suis rabattue sur le métier d’infirmière. » Durant sa formation, elle apprécie tout particulièrement le contact avec les personnes âgées et leurs familles. « Je ne voulais pas exercer dans un hôpital, mais dans un lieu de vie. En Ehpad, le résident n’est pas un numéro de chambre, on le suit dans la durée. »

Le parcours de Claudine a été plus sinueux. Originaire du Burkina Faso, elle a dû se reconvertir à son arrivée en France. « Il fallait retourner trois ans sur les bancs de l’école pour que mon diplôme de comptabilité soit validé. » Un obstacle qui la pousse à changer de voie. « J’ai repéré cette maison de retraite près de chez moi. J’y suis d’abord entrée pour un stage découverte d’une semaine. » Le coup de cœur est immédiat : « J’ai trouvé que les équipes avaient une approche très humaine. La direction était aussi très présente pour nous épauler et nous donner des conseils. Ça m’a motivée à aller de l’avant ! »

La VAE comme tremplin pour évoluer

Claudine commence par des remplacements en tant qu’ASH (agent des services hospitaliers). « J’ai ensuite travaillé un an et demi en cuisine, puis à la plonge avant de repasser ASH. » Même si elle a un autre job dans le viseur. « Le poste d’aide-soignante m’attirait donc je suis allée voir mes responsables pour leur en parler. » Sur leurs conseils, elle postule à une VAE (validation des acquis de l’expérience) en interne pour obtenir le diplôme plus rapidement. Les places sont chères mais Claudine s’accroche. « Mon dossier a été accepté au second essai. J’ai appris le métier dans ma résidence pendant près d’un an avant de valider le diplôme en 2022. »

« Les aides-soignantes sont nos yeux sur le terrain »

Les deux soignantes travaillent en binôme au quotidien. A Claudine les soins d’hygiène et de confort, à Emilie les actes médicaux. Le relationnel n’est en conséquence pas le même. « Nous sommes plus proches des résidents. Comme on fait leurs toilettes tous les jours, on remarque le moindre changement », commente Claudine. « Les aides-soignantes sont nos yeux sur le terrain », confirme Emilie.

L’infirmière s’occupe pour sa part de « changer les pansements, distribuer les médicaments prescrits par les médecins » .... « Il y a aussi les temps de transmission et l’administratif à gérer. » Reste que leur priorité est la même : finir les toilettes pour que les résidents puissent déjeuner sereinement. « Une vraie entraide se met en place pour y parvenir ! »

Cette solidarité rend l’équipe très soudée. « Il y a une très bonne ambiance, y compris avec les membres de la direction. Ils plaisantent avec nous, prennent de nos nouvelles et sont à l’écoute de nos problèmes. En cas de souci ils cherchent aussitôt une solution, pointe Claudine. Sans les tenues pour nous différencier, on ne pourrait pas savoir qui est directeur, secrétaire ou soignant ! »

Des formations pour évoluer à son rythme

Faire partie d’un grand groupe n’a, selon elles, que des avantages : « L’accompagnement de Clariane nous aide à bien faire notre travail, affirme Emilie. Il y a des process précis à respecter et de nombreuses propositions de formations, en distanciel ou sur site. Même s’il n’y a pas d’obligation ! Chaque soignant peut choisir celles qu’il a envie de faire et en demander lors des entretiens annuels. »

Les thématiques sont variées : hygiène, nutrition, communication avec les résidents et leurs familles… et tutorat lorsqu’elles sont devenues référentes dans leurs postes respectifs. Pour Emilie, cette évolution se traduit par des responsabilités plus importantes : « J’épaule ma cadre de santé et accompagne mes collègues sur les volets pharmacie, hygiène et nutrition. » Le rôle de Claudine est sensiblement le même côté aide-soignant, à une différence près : « Je suis aussi accompagnante VAE auprès des personnes qui souhaitent valider leurs acquis professionnels. » Forte de sa propre expérience, Claudine les aide « à monter les dossiers et à obtenir le diplôme visé ».

« Les résidents sont comme une famille pour nous »

Les formations mettent particulièrement l’accent sur l’accompagnement des personnes en fin vie. « Ce n’est pas facile mais c’est un bonheur de les voir partir apaisées, de les aider à être sereines face à la mort. Les résidents sont comme une famille pour nous. Même si le moment est douloureux, on tient à être présents jusqu’à leur dernier soupir. » Les soignantes s’efforcent de « fermer la boucle » en douceur et dans le respect de la dignité de chacun. « On préfère que nos résidents restent chez nous plutôt qu’à l’hôpital car on sait comment ils veulent partir », souligne Emilie.

Les larmes ne sont pourtant pas toutes synonymes de tristesse. « On organise souvent de grandes fêtes avec les résidents. Pendant l’une d’elles, un monsieur presque centenaire a pleuré car il n’avait jamais fait la chenille. Il ne pensait pas vivre encore des premières fois à son âge ! »