« Les femmes s’autocensurent dans leurs choix professionnels et pas seulement dans les domaines scientifiques » 

Bien que des efforts soient déployés pour inciter les jeunes filles à s’orienter vers les domaines scientifiques, elles ne représentent que 29,6 % des inscrits en cycle ingénieur selon la SIES. La sous-représentation des femmes dans ces filières peut s’expliquer par les stéréotypes tenaces et un manque de visibilité de modèles féminins.

D’après Angélique Beauseigneur, directrice du pôle « Transformation et Performance » du Groupe MAIF, ce phénomène pourrait également être lié à un manque de confiance en soi très féminin. Pour Hellowork, elle raconte son parcours entre mathématiques, stratégie et management.

Des mathématiques au pilotage de la stratégie

Dès l’enfance, Angélique a eu un penchant pour les mathématiques. Son bac scientifique en poche, elle s’est inscrite à une classe préparatoire puis s’est tournée vers l’actuariat : « Il s’agit de modélisation mathématique et statistique, en finance et en assurance. Ce qui m’a captivée, c’est l’équilibre entre la complexité technique, la rigueur intellectuelle et les conséquences tangibles : les prévisions, les calculs en assurance-vie, en sinistres et en climat. C’est un métier d’expertise technique au service du réel. »

En 2007, après une expérience au sein d’une banque française, Angélique a rejoint la MAIF. « J’ai occupé des postes de pilotage des risques, de direction financière, de transformation (rénovation du SI, refonte des méthodes de travail, agilité) », résume-t-elle. Il y a cinq ans, elle est devenue directrice du pôle « Transformation et Performance » du Groupe. Ses missions : piloter la mise en œuvre de la stratégie et du numérique responsable, développer l’agilité et optimiser les opérations au sein de la DSI.

Le plafond de verre, un biais typiquement féminin

Angélique n’a jamais demandé d’évolutions de carrière. « Chaque fois, on est venu me proposer de nouveaux postes. Cela cache un biais typiquement féminin : le fameux plafond de verre. Je n’ai jamais pensé à mettre à jour mon CV et à briguer un nouveau poste. C’est toujours quelqu’un d’autre qui m’a contactée, ce qui montre qu’il y a une forme d’autocensure dans nos choix professionnels et ce, pas seulement dans les domaines scientifiques », commente-t-elle.

Elle a eu les mêmes doutes pour son poste actuel. « J’ai d’abord pensé que je n’étais pas capable, mais j’ai changé d’avis. Aujourd’hui, je me sens plus à l’aise, même si je ne sais pas si je postulerais spontanément. Heureusement, à 50 ans, j’ai gagné en assurance, mais c’est un domaine sur lequel je dois toujours m’améliorer », admet-elle.

Récemment, Angélique a exprimé son ressenti à d’autres femmes de l’entreprise : « On a réalisé qu'on ne partageait pas suffisamment nos expériences et nos difficultés. Il est temps d’y remédier ! »

« Orienter vers les matières scientifiques dès l’école primaire et le collège »

En tant qu’étudiante, Angélique n’a pas rencontré de difficultés pour s’intégrer dans le monde scientifique. Cependant, l’accès des jeunes filles à ces filières était restreint. « Avec seulement cinq femmes sur 45 élèves en prépa, rien n’était pensé pour nous. Les internats étaient réservés aux garçons. Si on ne pouvait pas se payer un logement, le message était clair : « Ce n’est pas pour vous ».

Depuis, les lignes ont un peu bougé : « Aujourd’hui, il y a davantage de parcours ingénieurs dès le post-bac, mais la proportion reste faible : 4 % de filles en prépa scientifique il y a 30 ans, 25 % aujourd’hui. Les vrais enjeux sont l’orientation vers les matières scientifiques dès l’école primaire et le collège », insiste-t-elle.

« Favoriser l’accès des femmes à des postes à responsabilité »

Dans la plupart des entreprises, les femmes restent sous-représentées à des postes comme le sien. Mais il y a tout de même du mieux, constate Angélique : « La représentation des femmes et la culture d’entreprise ont énormément progressé depuis mes débuts. Le télétravail a amélioré l’équilibre vie pro/vie perso, tout comme l’allongement du congé paternité et la transparence salariale. Ces facteurs sont des leviers importants pour favoriser l’accès des femmes à des postes à responsabilité », analyse-t-elle.

Sur le plan managérial, les choses ont aussi changé. « Lorsque j’ai commencé, il y avait encore beaucoup de préjugés. On se demandait si une femme dirigeant une équipe et élevant des enfants en bas âge avait sa place, et on suggérait qu’elle serait mieux chez elle. Ce genre de remarques, je ne les entends plus aujourd’hui, et c’est tant mieux ! La légitimité, on la gagne par l’expertise, le travail et la coopération », confie-t-elle.

Après avoir donné naissance à ses enfants, Angélique a dû faire des choix difficiles. « L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est une réalité qu’il faut gérer. À l’époque, le télétravail n’était pas encore répandu. J’ai décidé de reprendre rapidement le travail, car c’était important pour ma carrière. Le principal est de suivre ses aspirations professionnelles car, pour tout le reste, on trouve des solutions », observe-t-elle.

Miser sur la reconversion et mettre en lumière des parcours féminins

Selon la directrice Transformation et Performance MAIF, cette « philosophie » est cruciale dans un domaine où, malgré les changements, les professions d’ingénierie et de technologie restent très dominées par les hommes. « Ce n’est pas un cliché ! En France, 24 % des emplois dans les professions du numérique sont occupés par des femmes. À la MAIF, nous atteignons 35 %, ce qui démontre que l’engagement et la volonté peuvent entraîner des progrès significatifs », souligne-t-elle.

L’orientation scolaire constitue ainsi pour Angélique l'un des principaux leviers de cette progression. « On doit également se pencher sur les reconversions et donner de la visibilité à des parcours féminins. A la MAIF, nous participons à des initiatives comme “Le numérique pour toutes”. Certaines de nos responsables du développement sont des femmes, et elles animent des ateliers de programmation, présentent leur parcours. C’est crucial. »

Ces figures inspirantes ont encouragé Angélique par le passé. « Ma prof de maths au collège, mes profs de physique et de chimie en prépa m’ont tous dit : « Fais-toi confiance, tu es capable, tu es à ta place. » Cela m’a grandement aidée à gagner en assurance », se souvient-elle. Au cours de sa carrière, ensuite, elle a rencontré des hommes et des femmes qui lui ont fait confiance. Désormais, elle désire transmettre ses encouragements à d’autres femmes : « J’ai constaté que, lorsque je recrute, les hommes postulent spontanément, tandis que je dois aller chercher les femmes. Il y a un véritable enjeu de mise en confiance. »

« C’est une transformation lente mais positive »

L’autre défi est donc d’attirer des profils féminins en entreprise : « Nous faisons attention à la manière dont nous rédigeons nos offres d’emploi. L’objectif, c’est qu’une femme qui les lit se sente autant concernée qu’un homme. »

A travers son témoignage, Angélique souhaite inciter d’autres femmes à emprunter le même chemin. « Le message, c’est : osez, ayez confiance en vous. Je n’ai plus aucune hésitation à être moi-même, à exercer mon leadership ou à m’exprimer. Il y a 20 ans, c’était différent. Aujourd’hui, il n’y a plus lieu d’avoir peur. » Et à aborder le sujet entre elles : « Il est important de partager nos expériences et de témoigner. Cela constitue un levier simple et efficace. C’est une transformation lente, mais positive. Il ne faut pas lâcher », conclut-elle.