Le 996, ce rythme de travail extrême qui séduit la Silicon Valley (et qu’on vous déconseille)

La tendance du 996, repérée en France par Courrier International, serait le grand sujet de conversation du moment dans la Silicon Valley. Une méthode révolutionnaire pour être plus productif ? En quelque sorte…

Mode hardcore activé

La hustle culture a encore de beaux jours devant elle ! En témoigne la mode du 996 outre-Atlantique, dont le concept est relativement simple à comprendre : travailler de 9h à 21h, six jours par semaine. L’équivalent de 72h. En clair, dédier la plus grande partie de sa semaine à son travail et activer le fameux mode hardcore cher à Elon Musk, qui ne renierait pas le 996 s’il ne s’accompagnait également d’un sevrage de drogue, d’alcool et de toute forme de loisirs festifs.

Comme l’explique l’économiste Ara Kharazian au San Francisco Standard, le rythme à trois chiffres ne s’impose pour l’instant « ni à New York, ni à Miami, ni à Austin, ni dans aucun autre pôle technologique. Le 996 n'existe qu'à San Francisco ». Et c’est dans les colonnes du même journal qu’on apprend que ce concept est d’abord né en Chine au début des années 2010, dans des entreprises comme Alibaba, Huawei ou ByteDance (éditeur de TikTok). Avant que la cour suprême chinoise ne l’interdise en cas d’absence de compensation financière.

De la Chine à la Valley, il n’y aurait donc qu’un pas ? On peut en effet se demander pourquoi le 996 s’est soudainement imposé parmi les jeunes ingénieurs de San Francisco comme le nouveau lifestyle à la mode – à tel point que les services de livraison de repas au bureau connaissent des pics inédits le samedi. Et d’ailleurs, pourquoi travailler autant ?

Ruée vers l’IA ou simple posture ?

Bien sûr, la culture du travail américaine est différente et ce qui ressemble à un rythme aliénant sous nos latitudes sera plus naturellement valorisé aux Etats-Unis, qui plus est dans le cœur vibrant de l’innovation mondiale, à savoir la Silicon Valley. Mais c’est bien la révolution technologique de l’intelligence artificielle qui semble créer toute cette effervescence. C’est du moins l’une des explications avancées par le San Francisco Standard :

« Nombreux sont ceux qui considèrent l’essor de l’IA comme la plus grande transformation technologique de leur vie et souhaitent se battre pour conquérir de précieuses parts de marché. Certains pensent qu’il faut s’enrichir rapidement, avant que l’IAG (intelligence artificielle générale) n’arrive et ne les fasse sombrer dans une sous-classe permanente. »

A moins que ce nouveau mode hardcore ne soit que performatif, une manière de se donner une image d’entrepreneur acharné sur les réseaux sociaux. Quand on sait que les aficionados du 996 sont également, pour la plupart, des adeptes de la salle de sport, des repas protéinés et du temps de sommeil millimétré, on peut légitimement se demander s’il ne s’agit pas plus d’une routine testostéronée pour jeunes gens en mal d’attention sur les réseaux que d’un auto-esclavage moderne dans le cadre d’une ruée vers l’IA.

D’ailleurs, pour Jasmine Sun, journaliste spécialisée dans la culture Tech, « il est amusant de constater que San Francisco vient seulement de découvrir le 996. Les tech bros chinois affirment maintenant travailler en 007, c'est-à-dire de minuit à minuit, sept jours sur sept. » Le 996, finalement, ce n’est peut-être que l’échauffement.