Comment un manager inspire (ou fragilise) ses équipes : le pouvoir invisible des neurones miroirs dans le leadership
Le leadership n’est pas qu’une affaire de vision, c’est d’abord une histoire d’émotions.

On pense souvent que le leadership, c’est avant tout donner une direction, un cap. Mais la science nous dit autre chose : il repose d’abord sur une contagion émotionnelle, inscrite dans nos neurones miroirs. Comment un manager peut-il apprivoiser ce mécanisme pour inspirer ses équipes sans sombrer dans la manipulation ou la contagion négative ? Réponses avec Stéphane Ginnochio, conférencier et professeur au Collège de Paris, expert en neurosciences cognitives et en neuromanagement.
Pourquoi un manager stressé ou énervé, aussi bienveillant soit-il, aura tendance à stresser ou énerver ses équipes ?
Parce que les émotions passent avant tout par le non-verbal et le para-verbal. Selon le psychologue Albert Mehrabian, les mots ne représentent que 7 % de la communication. Les 93 % restants se jouent donc ailleurs. C’est ce que viennent confirmer les recherches sur les neurones miroirs : quand deux personnes interagissent, les mêmes zones de leur cerveau peuvent s’activer en même temps, comme si elles étaient en miroir.
Un manager transmet donc, volontairement ou non, ses émotions à ses équipes. Le leadership est d’abord émotionnel : on suit davantage un leader pour ce qu’il fait ressentir que pour ce qu’il dit. Par exemple, quand un manager envoie un simple mail, il reste en surface en termes de communication. Mais cette transmission émotionnelle, nécessaire au leadership, peut aussi être biaisée par nos propres biais cognitifs, en particulier le biais de confirmation qui nous pousse à ne voir que ce que l’on veut voir. C’est ainsi qu’un manager peut involontairement créer un climat collectif biaisé, voire incongru, et donc stressant.
Pour que les neurones miroirs s’allument et transmettent la bonne émotion, il faut que le message soit congruent. Autrement dit, que l’attitude du manager, son non-verbal et son intention soient alignés. Cela suppose d’être conscient de ses propres biais, de les identifier et de les anticiper. C’est cette vigilance qui permet d’adapter son discours et son comportement afin de transmettre l’émotion juste, celle qui sert le leadership et non l’inverse.
Les émotions négatives se transmettent-elles plus vite que les émotions positives ?
Elles se propagent à la même vitesse. Mais chaque humain a un biais qui s’active immédiatement en cas de danger, le biais de négativité. C’est notre instinct de survie : on reconnaît en priorité ce qui peut nous mettre en danger. En clair, on préfère se méfier pour rien que l’inverse.
Si la confiance est cassée par un manager qui a une attitude incongrue, même involontairement, les équipes se mettent en mode défense et il n’y a plus de perméabilité entre eux : les neurones miroirs ne s’activent plus. Mais à l’inverse, un ancrage positif de confiance peut protéger durablement la relation. C’est comme devenir “fan” de quelqu’un, on lui pardonne plus facilement ses erreurs, parce qu’on cherche inconsciemment ce qui renforce cette confiance. Ici, c’est l’effet du biais de confirmation.
Les neurones miroirs supposent la résonance. C’est l’expression bien connue « être sur la même longueur d’onde ». Comme en physique. Au temps de Napoléon, les soldats avaient interdiction de marcher au pas sur les ponts car cela faisait résonner la structure, qui risquait de s’effondrer. En management, au contraire, l’objectif est de trouver la bonne résonance avec ses équipes.
Comment exercer son leadership sans tomber dans une contagion émotionnelle qui serait une forme de manipulation ?
Cela demande de l’éthique. Il faut éviter le piège du triangle dramatique de Karpman :
- le persécuteur,
- le sauveur (qui rend dépendant),
- la victime.
Ces postures ne sont pas soutenables. La bonne approche, c’est le TED : transformer la victime en acteur, le persécuteur en challenger et le sauveur en coach. C’est une vigilance permanente : le leadership émotionnel doit rester aligné avec une intention éthique. Dans le cas contraire, on s’abîme soi-même autant que les autres.

Peut-on rester empathique avec ses équipes sans transmettre des émotions négatives ?
Oui, car l’empathie est éthique. Elle ne doit pas servir à manipuler l’autre ou lui faire du chantage affectif. En ce qui concerne les émotions ressenties que l’on pourrait transmettre involontairement, il faut apprendre à contrôler et développer son intelligence émotionnelle. Quand on ressent une émotion négative, on ne peut pas le cacher. Les autres le voient sur notre visage. Il faut donc avoir la capacité de transformer notre façon de percevoir cette émotion.
Comment ? C’est ce que décrit Nassim Nicholas Taleb avec l’antifragilité : un imprévu peut devenir une chance d’apprendre, une opportunité de trouver de nouvelles solutions. C’est une question de mindset. Ce n’est pas être naïf face aux événements, mais adopter un état d’esprit qui permet de transformer ce qui arrive en ressource positive. Sinon, malgré nous, notre communication non-verbale trahit notre émotion négative et la propage.
Si une contagion émotionnelle négative s’est déjà propagée dans une équipe, comment intervenir ?
Avec du feedback. Quand un événement a marqué, bousculé ou choqué une équipe, il faut d’abord laisser chacun vider son sac. Tant que l’émotion n’est pas exprimée, elle bloque tout. Chaque collaborateur doit faire son deuil pour « nettoyer » cette émotion. Le manager doit l’accueillir via une écoute active et tant pis s’il entend dix fois la même histoire. C’est l’un des rôles les plus essentiels de sa fonction.
Le feedback n’est pas une sanction, ce n’est pas “prendre quelqu’un sur le fait” en cas d’erreur. C’est décortiquer l’événement, comprendre ce qui s’est passé, et surtout construire ensemble une solution pour que cela ne se reproduise plus. Un feedback bien mené nourrit le feed forward : il transforme une difficulté en levier de progression, tout en laissant une empreinte émotionnelle positive. C’est ainsi que se restaurent la confiance et l’envie d’avancer ensemble. Finalement, un manager inspirant n’est pas celui qui évite les émotions, mais celui qui sait les transformer en énergie collective.
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