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Lucile Quillet : « Pour atteindre l'égalité professionnelle, il faut une révolution des horaires de travail !»
Spécialiste des questions de travail et de genre, Lucile Quillet publie un nouveau livre consacré aux femmes dans le monde du travail.
Ce 10 novembre à partir de 11h31, les femmes travailleront gratuitement jusqu'à la fin de l'année. Un décompte symbolique réalisée chaque année par la newsletter Les Glorieuses pour alerter sur les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes. Si cette journée doit inciter à une prise de conscience collective, elle sert aussi à questionner le monde du travail actuel qui ne parvient toujours pas à assurer une égalité professionnelle. L'occasion d'interroger Lucile Quillet, journaliste et coach en vie professionnelle qui publie un nouveau livre Les Méritantes, comment le monde du travail trahit les femmes aux éditions Les Liens qui libèrent. Selon elle, le monde du travail doit changer les règles du jeu pour s'adapter aux femmes.
On est en 2025, une très large majorité de femmes travaillent et pourtant vous faites ce constat alarmant : « Le monde du travail n’aime pas les femmes ». Pourquoi cette conclusion ?
Lucile Quillet : Oui, car si le travail des femmes est acquis, la méritocratie ne l’est pas. La juste reconnaissance de ce travail, les mêmes opportunités que les hommes, ce n’est pas toujours pas acquis actuellement. Le système du monde du travail dévalorise les femmes. Il y a un mépris du féminin très répandu même s’il est inconscient. On suppose les femmes moins compétentes, moins disponibles. Le travail des femmes est souvent périphérisé : communication, ressources humaines, juridique, marketing, comptabilité, tous ces métiers sont appelés fonctions support. Et quand il s’agit de métiers majoritairement féminins, ils sont sous-valorisés.
Et, quand les femmes essayent d’avoir les mêmes carrières que les hommes, il faut qu’elles s’alignent et adoptent les codes masculins. Pour obtenir l’égalité, il faut courir derrière une certaine façon de faire carrière plutôt comme un homme sans contraintes et vers les métiers masculins. C’est ce que je voulais dénoncer dans le livre.
Il existe pourtant un paradoxe là-dedans puisque les filles réussissent souvent mieux à l’école mais ces bons résultats ne garantissent pas la bonne réussite de leurs vies professionnelles…
Exactement. Le système scolaire récompense la conformité, la rigueur, l’obéissance, alors que le monde du travail valorise d’autres qualités : la mise en avant de soi, la disponibilité, la compétitivité. Il faut faire son auto-promotion, négocier son salaire. Les femmes arrivent avec un bagage qui ne correspond pas toujours aux codes du monde professionnel parce qu’elles ne sont souvent pas éduquées à se mettre en avant.
Vous opposez plusieurs syndromes qui pénaliseraient les femmes au travail, celui de la bonne-élève qui se confronte à celui du champion, du courtisan et du piquet.
Oui, en entreprise, il ne faut pas s’attendre à être naturellement récompensé pour son investissement et ses bons résultats. Il faut avoir de l’égo, et plaider pour sa cause en permanence. En clair, il ne suffit pas de bien travailler mais il faut aussi le faire savoir et cette règle de l’auto-promotion pénalise les femmes et les entreprises. Ce ne sont donc pas les meilleurs et les plus méritants qui grimpent les échelons mais ce sont ceux qui ont le plus confiance en eux.
Pour réussir, il faut aussi être très présent : se montrer disponible, ne pas dire non aux coups de collier et aux horaires tardifs, c’est le syndrome du piquet (être toujours planté là pour être vu quand bien même on ne travaille pas).
Il faut également plaire à son chef, participer à la courtisanerie ambiante en riant aux blagues, en flattant les autres chefs. Le modèle dominant de réussite repose sur ces deux logiques : l’ancrage, la disponibilité totale — le piquet — et la capacité à plaire, à naviguer dans les jeux de pouvoir — le courtisan. Ces codes excluent de fait celles et ceux qui n’ont pas le temps ou l’envie de s’y conformer.
Le grand problème au final, pour les femmes, c’est l’impossible conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle. Vous dites que le monde du travail a un problème avec le temps et qu’il reste aveugle à ce qui se vit autour de lui. Pourquoi se heurte-t-on encore à cette problématique ?
C’est très culturel. On a mis le travail au centre et le reste de la vie doit s’adapter aux contours du travail. L’enfance, l’aidance, les activités associatives ou même les hobbies sont des activités essentielles à la bonne marche de la société, mais elles ne sont pas traduites dans le contrat de travail.
Ce sont les femmes qui subissent la charge domestique, le soin aux enfants et aux personnes âgées ou dépendantes. Les mères accompagnent d'ailleurs trois fois plus leurs enfants à l’école que les pères.
On a intégré ces contraintes comme une norme. Pour preuve, il y 16 semaines de vacances scolaires contre seulement 5 ou 6 semaines de congés payés en tant que salarié, des horaires d’école incompatibles avec le travail. Ce sont donc les femmes qui s’adaptent.
On a dit aux femmes qu’elles pouvaient travailler, mais en réalité, elles vivent dans une contorsion permanente. Tant qu’on valorisera ceux qui restent le plus tard, on maintiendra cette conciliation impossible.
Peut-on s’affranchir du mythe de la wonder woman ? Et existe-t-il aujourd’hui des modèles de réussite féminins inspirants ?
La wonder woman est un mythe sadique et une arnaque : on nous fait croire que l’exemplarité existe alors qu’en réalité, on fait toutes comme on peut. C'est une injonction faite aux femmes pour montrer que tout est possible, elles peuvent tout gérer, alors que le système est biaisé.
Bien sûr, il existe actuellement des carrières féminines inspirantes, des femmes qui créent leurs entreprises, en accord avec leurs valeurs, mais à quel prix ? La réussite de certaines femmes repose souvent sur le travail précaire d’autres femmes (nounous, femmes de ménage) ou sur l'aide de leur propre mère.
Vous dites à la fin du livre : « J’espère qu’il fera monter une saine colère ». Être en colère au quotidien, est-ce que ce n’est pas épuisant ?
La colère, ce n’est pas forcément la lutte. Il ne faut pas faire de l’injonction à lutter pour les femmes. La saine colère, c’est de la lucidité : je voulais que les femmes se rendent compte des obstacles qui sont sur leur route dans le monde du travail et qu'elles arrêtent de culpabiliser, car c'est un système organisé par les hommes et pour les hommes. Nous avons trop normalisé les inégalités qu'il engendre. Le but du livre, c’est de dire aux femmes que ce qu’on considère comme normal ne l’est pas mais qu'elles ne sont pas fautives et que ce n'est pas à elles de changer.
Pourquoi se demande-t-on encore : Comment je m’habille pour aller au travail ? ou Pourquoi on me reproche d'être trop bonne élève ? L’idée, c’est de regarder autrement, de pointer l’absurdité de ces règles et de se dire que ce n’est pas nous le problème, que nous méritons mieux et que c'est au monde du travail de se réinventer.
Est-ce que vous êtes malgré tout optimiste ? Et quelle mesure prioritaire serait à mettre en place pour simplifier la vie professionnelle des femmes ?
Oui, je suis optimiste, parce que les discussions avancent mais je crois qu’il faut une révolution sur les horaires pour aider l'ascension professionnelle des femmes.Si tout le monde partait à 17h dans les entreprises, il y aurait plus d’égalité. Le poids de la charge domestique se réduirait, et le temps collectif serait repensé.
En parallèle, il faudrait évidemment aussi revaloriser les rémunérations des métiers majoritairement féminins. Là, commencerait la réinvention du monde du travail pour les femmes.
Il y a aussi un autre modèle masculin qui émerge, moins carriériste, plus soucieux de passer du temps avec ses enfants. Le changement peut-il venir aussi de ces hommes-là ?
Oui, bien sûr. Aux hommes de reconnaître leurs biais et d’agir en conséquence. Le changement ne se fera pas sans eux.
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