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Être bien au travail

Génération Z : ce que les entreprises et managers n'ont toujours pas compris

Par Hugo Diverres Publié le

Turnover qui s'envole, démissions silencieuses, managers désemparés... La génération Z est-elle ingérable ou révèle-t-elle plutôt ce que les organisations ne veulent plus voir, un miroir de certains dysfonctionnements ?

Génération Z : ce que les entreprises et managers n'ont toujours pas compris
« La génération Z a décidé que ce qui n'était pas acceptable… n'était tout simplement pas acceptable. » © ChayTee/stock.adobe.com

Dans de nombreuses entreprises, la scène est devenue familière : un jeune embauché reste quelques semaines, quelques mois parfois... puis disparaît sans un mot. La faute de la nouvelle génération ? Un discours trompeur selon Stéphane Ginocchio, conférencier et professeur permanent au Collège de Paris, spécialiste des neurosciences cognitives et en neuromanagement.

Plus qu’un défi managérial, un véritable baromètre

Pour beaucoup de managers, la Gen Z est difficile à saisir. On la dit instable, hypersensible, voire déloyale. Pourtant, tout démontre que cette génération réagit surtout à des signaux que ses aînés ne perçoivent plus. Selon Stéphane Ginocchio, cette génération agit en fait comme un radar qui signale le moindre décalage entre les discours et les actes, qui détecte immédiatement ce qui dysfonctionne : « C'est le spot sur l'iceberg. Ce n'est pas eux qui créent l'iceberg, ce sont les organisations. Eux ne supportent plus que l'iceberg soit là. »

Ce que certains managers interprètent comme un manque de loyauté n'est en réalité qu’une réaction épidermique face aux incohérences. « Si la volatilité explose avec la génération Z, c'est qu’il y avait déjà un problème auparavant. Mais eux le montrent clairement. » Là où d'autres persévéraient malgré tout, par habitude ou loyauté, eux s'en vont. « Non pas pour fuir l'effort, mais pour éviter de s'abîmer. Ils sont souvent les révélateurs probables de tout ce qui n'allait pas avant, insiste-t-il. Ils font ce que certaines entreprises auraient dû faire depuis longtemps : regarder la réalité en face. »

« La Gen Z n'est pas capricieuse. Elle n'est pas instable. Elle est lucide. Et elle refuse ce que les générations précédentes acceptaient sans trop discuter. La génération Z a décidé que ce qui n'était pas acceptable… n'était tout simplement pas acceptable. »

Ce que veut vraiment la Gen Z : des besoins fondamentaux non négociables

Pour aider les managers et les entreprises à comprendre cette génération, Stéphane Ginocchio propose de revenir à des fondamentaux comme la pyramide des besoins de Maslow (besoins physiologiques, de sécurité, d'appartenance et d'amour, d'estime, d'accomplissement de soi) et la théorie de la motivation de Herzberg : satisfaire aux facteurs d'hygiène, ici les conditions de travail, est une nécessité pour éviter l’insatisfaction.

Sans oublier la connectivité. « La génération Z a deux besoins supplémentaires qu’il faut impérativement intégrer : le Wi-Fi et la batterie. Maslow n'y avait pas pensé… » En effet, pour cette génération, le numérique fait partie de la sécurité psychologique. Un accès fluide à l'information, un environnement technique stable, un matériel fiable sont pour les plus jeunes salariés « des prérequis, pas des avantages ».

C’est la même logique qui structure leur rapport à l'autorité. « Elle n'a pas d'attachement à la hiérarchie si elle ne le décide pas. Elle choisit son manager. Une fois qu'elle l'a choisi, elle est fidèle. » En somme, le lien managérial ne se décrète pas. Il repose sur une confiance émotionnelle. Toute la dynamique de cette génération tient d’ailleurs dans son rapport à l'émotion, note l’expert en neuromanagement : « La génération Z est émotionnelle avant tout. Par exemple, les textes sont souvent trop pauvres en émotions pour eux. D’où l’utilisation récurrente des emojis pour apporter l'émotion là où il n’y en a pas. »

La rémunération n'échappe d’ailleurs pas à cette logique émotionnelle. « Ce n'est pas l'argent qui compte, mais l'équité. Si ce n'est pas équitable par rapport aux collègues, c'est une note négative. Et comme ils n'ont pas d'attachement hiérarchique, ils s'en vont. » Une seule injustice perçue peut tout faire basculer. « Leur système d'évaluation fonctionne comme une note Google : s'il s'est passé un truc mauvais, il y a une étoile. Et quand il y a une étoile, je n'y retourne pas et j'explique aux autres qu'il ne faut pas y aller. »

Pourquoi ils partent : irritants, émotions et signaux faibles

Pour la génération Z, tout commence par une petite vibration intérieure, un malaise, un détail apparemment insignifiant. « Quand il y a un truc qui commence à nous irriter, l’irritant devient insupportable très vite. Pour les Gen Z, ça va encore plus vite. »

Ce que d'autres générations auraient mis de côté pendant des mois, voire des années, devient pour eux un motif suffisant pour changer de cap. « Un environnement de travail doit être vivable, sain, juste. Dès que l'un de ces piliers vacille, ils prennent une décision claire : partir. Il ne s'agit pas d'impulsivité mais de cohérence personnelle. Ils sont le baromètre qui montre ce qui ne va pas. Ils ne créent pas le problème mais le révèlent », pointe du doigt Stéphane Ginocchio.

La mesure émotionnelle est, selon lui, l'indicateur le plus prédictif du turnover : « Dès que les feux ne sont plus au vert, il faut réagir avant qu'ils virent au rouge. Le manager doit réagir dès le moindre feu orange. Lorsque c’est rouge, c’est déjà l’heure de l’outboarding. »

Et cette « météo émotionnelle » peut très vite changer. « Quand ils posent une question, la réponse ne doit pas intervenir dans deux heures mais en quelques secondes. » Un délai de réponse trop long, un message ambigu, une règle imposée sans explication sont autant de signaux faibles que la Gen Z interprète immédiatement. « Ce tempo, hérité de leurs usages numériques, est souvent mal compris. Il est pourtant difficilement négociable. L'entreprise qui tarde à réagir perd instantanément en crédibilité. »

Quels leviers pour garder et engager les talents Gen Z ?

Pour retenir la génération Z, les managers ne doivent pas chercher à les « adapter » ou les « endurcir ». « Ils veulent un leadership qui les inspire », résume Stéphane Ginnochio. Pas une autorité statutaire mais une relation fondée sur la confiance et l'exemplarité. » Le pire ennemi des jeunes salariés ? Le micro-management.

« Le micromanager injuste, c'est peut-être neuf départs sur dix de la Gen Z. Ce mode de gestion, déjà nocif pour tous, est absolument incompatible avec leur fonctionnement émotionnel. Ils veulent être responsabilisés, pas surveillés. Accompagnés, pas infantilisés. » Ils attendent aussi qu'on reconnaisse leur expertise, notamment sur les outils et les usages numériques. « Ils veulent du reverse mentoring, qu'on leur demande d'expliquer, de transmettre, de contribuer. Que le rapport hiérarchique se renverse parfois, non pour éliminer l'autorité, mais pour la légitimer. »

Deuxième levier : la co-construction. Même une organisation imparfaite sera mieux acceptée si elle a été pensée ensemble, explique Stéphane Ginocchio : « C’est l’effet Ikéa. On va co-construire la répartition avec une logique opposable. Concrètement : " Ce n’est pas très droit, ce n'est probablement pas parfait, mais c’est la meilleure solution que nous ayons trouvé ensemble." C'est ce processus, et non la règle elle-même, qui génère l'engagement. »

Enfin, la qualité de vie au travail est un sujet central : « Le droit à la déconnexion doit être réel. L'onboarding doit être sérieux, pédagogique, progressif. La prévention des risques psychosociaux ne peut plus être seulement symbolique. S'il y a des burn-out, les plus jeunes salariés se disent : ici, c'est une boîte où on nous laisse partir en burn-out. Et ils s'en vont. »

Vers un management intergénérationnel lucide

Pour Stéphane Ginocchio, la génération Z est donc en train de rappeler aux entreprises leurs propres fondamentaux. « Leur exigence émotionnelle n'est pas une faiblesse mais une alerte. Ils refusent l'incohérence, le mépris, l'injustice, les non-dits. Ils rappellent qu'une organisation n'avance que lorsque les valeurs affichées sont réellement incarnées. » Reste une question d'équilibre. Car si cette génération a raison sur le fond, « elle doit aussi accepter que tout ne soit pas parfait tout le temps. La rencontre humaine, ce n'est pas d'être d'accord sur tout, c'est de fixer des limites ensemble », conclut le professeur au Collège de Paris. Si les entreprises acceptent ce contrat, alors la génération Z cessera d'être un défi pour devenir un allié. Non pas un orage à craindre, mais un baromètre à écouter.

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