INTERVIEW : Comment lutter contre le syndrome du scarabée en entreprise ?
«Rien n’est plus dangereux qu’une idée, quand on n'a qu’une idée. »

Avez-vous déjà eu l’impression que, dans votre équipe, tous vos collègues avaient la même vision des choses ? Que vous étiez tous alignés, sur la même longueur d’onde ? Rien d’étonnant à cela, c’est probablement dû au syndrome du scarabée. Très répandu en entreprise, ce biais cognitif est plus problématique qu’il n’y paraît à première vue. En particulier si vous êtes amené à constituer vous-même une équipe en tant que manager !
On décrypte les causes du syndrome du scarabée et les solutions pour y faire face avec Stéphane Ginocchio, conférencier et professeur permanent au Collège de Paris, spécialiste des neurosciences cognitives et en neuromanagement.
Le syndrome du scarabée, ou quand le confort intellectuel peut mener au pire
L’adage populaire ‘qui se ressemble s’assemble’ est peut-être la meilleure définition du syndrome dont on parle. « C’est comme dans la cour d’école, pointe Stéphane Ginocchio. Quand les enfants veulent jouer à la balle, au moment de constituer les équipes, les copains se mettent ensemble. Pourquoi ? Tout simplement parce que le cerveau humain cherche le confort. »
« Quand vous rencontrez quelqu’un avec le même profil psychologique que vous, les mêmes biais, les mêmes raccourcis, etc. spontanément, par confort, vous allez vers cette personne et vous faites équipe avec lui. »
N’importe quel manager aura donc tendance à recruter des collaborateurs qui lui ressemblent. Tout aussi spontanément, vous prendrez vos pauses café ou vous vous lierez d’amitié avec les collègues qui vous ressemblent le plus. « Le scarabée est un insecte qui peut tourner indéfiniment autour de la même source lumineuse sans chercher à aller voir ailleurs. Un humain cherche spontanément quelqu’un qui lui ressemble. Mais s’il n’y prend pas garde, il se prive de toute forme de diversité. C’est ça le vrai piège du syndrome du scarabée. Quand tout le monde est identique au sein d’une équipe ou d’une entreprise, on se prive d’intelligence collective. »
A première vue, de façon intuitive, on pourrait pourtant penser qu’être sur la même longueur d’ondes est bénéfique, que cet alignement des points de vue et des visions fluidifie les prises de décision au sein d’un groupe. Certes, concède Stéphane Ginocchio, cela permet de gagner en vitesse d’exécution et en efficacité. Mais en cas d’obstacle, « tout le monde a la même réponse, le même point de vue. Si tout le monde est aligné avec toi, que vous êtes des « clones », tu vas plus vite… mais tu ne vas pas plus loin ! S’il n'y a pas de pensée divergente, tu regardes toujours les choses sous le même angle. Et donc tu vois exactement la même chose, alors que plusieurs réalités cohabitent sans doute. D’autres biais cognitifs rentrent en jeu et le phénomène s’auto-alimente : biais de confirmation, biais de disponibilité. Tout le monde est d’accord, tout le monde partage les mêmes infos et il n’y a aucun challenge. Puis on se prend le mur et c’est l’incompréhension. L’échec ne semble pas logique et on préfère accuser la Terre entière. Pourtant, la moindre personne différente et extérieure aurait pu faire changer notre regard en 5 minutes, simplement en disant : Ah, c’est drôle, tu ne vois pas ça comme ça toi ? »
Si le syndrome du scarabée est un biais humain naturel, ses conséquences peuvent donc être délétères : des personnes identiques qui s’auto-alimentent, s’auto-persuadent, et qui courent parfois à la catastrophe sans même s’en rendre compte. Par simple confort intellectuel.
Un test pour lutter contre le syndrome du scarabée
Pour lutter contre le syndrome du scarabée, « il faut cartographier » les différents profils déjà présents au sein d’une équipe ou d’une entreprise, précise Stéphane Ginocchio. « En sachant quels profils sont présents dans mon équipe, je vais pouvoir choisir d’engager des profils différents, ceux qui manquent au collectif. Sans cette objectivation, je reste prisonnier de mon instinct naturel qui me pousse vers mes semblables. »
Meredith Belbin, psychosociologue britannique, s’est particulièrement intéressé à l’hétérogénéité des équipes comme moteur de la performance. Il a identifié 9 rôles complémentaires qui permettent de composer une équipe fonctionnelle et favoriser l’intelligence collective : coordinateur, soutien, promoteur, concepteur, priseur, expert, organisateur, perfectionniste et propulseur.
« Le problème, c’est qu’on ne peut pas confier le rôle de cartographe au manager d’une équipe. Car on ne peut avoir une cartographie fiable et objective si on met des humains entre le résultat et la source. C’est à la personne concernée de se profiler elle-même. Il existe de nombreux tests, plus ou moins longs et fastidieux. J’en propose une version rapide en 20 questions, qui permet de connaître votre profil de Belbin et vous aide à mieux vous connaître, vous et vos équipes. C’est une approche intéressante pour faire du management de l’hétérogénéité. »
Stéphane Ginocchio propose une version gratuite de ce test en ligne, en 10 questions seulement, qui vous donne votre biais cognitif dominant. Pour obtenir la version complète et détaillée en 20 questions, qui cartographie votre profil de Belbin, vous pouvez contacter directement Stéphane Ginnochio.
Prendre conscience qu’il existe des profils différents et des rôles complémentaires est également un atout pour le bien-être de tous et la prévention des risques psychosociaux.
« Le job du manager, c’est aussi que son équipe ne souffre pas. Donc si j’apprends à connaître tes biais cognitifs et la façon dont tu réagis à certaines situations, je peux adapter les missions que je te confie. Si tu as besoin de confort et que je te confie la direction d’un projet qui va dans l’inconnu… tu risques de souffrir, même si tu es très compétent ! Mais, tu seras peut-être excellent en soutien. En chef de projet, je nommerai plutôt quelqu’un de disruptif et rebelle qui ne craint pas l’inconnu. »
Préserver la cohésion dans l’hétérogénéité
Au-delà des tests, que peut-on faire pour lutter contre le syndrome du scarabée lors des phases de recrutement ? Être sensibilisé à cette question est déjà un premier pas. « Sensibilisation et éducation sont les clés essentielles pour ne plus avoir peur des profils différents, pour en finir avec les biais discriminatoires. La loi a évidemment toute son importance sur ce type de sujet : de nombreuses discriminations à l’embauche sont interdites en France. »
Reste une question : comment fait-on pour avancer avec des gens complétement différents de nous ?
« L'hétérogénéité est nécessaire, mais elle n’est pas suffisante... et c’est précisément là qu’intervient la culture d’entreprise ! C’est aussi ce qu’on appelle le management par les valeurs. Les gens ont besoin d’être guidés vers un même objectif. Les valeurs, c'est comme les rives d'une rivière qui guide l'intention collective. Pour qu’une équipe aille plus loin ensemble, il ne faut certainement pas être identiques mais il faut quand même partager des valeurs communes. »
L’hétérogénéité ne doit en aucun cas empêcher les membres d’une équipe d’aller dans le même sens et de poursuivre un objectif commun. En revanche, le syndrome du scarabée empêche d’innover, de trouver des solutions et donc d’accoucher d’une forme d’intelligence collective.
« Comme disait le philosophe Alain : rien n’est plus dangereux qu’une idée, quand on n'a qu’une idée. »
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