Najoua, coordinatrice d’intimité : « Mon métier alimente beaucoup de fantasmes loin de la réalité ! »
Rencontre avec Najoua Ferréol qui exerce sur différents plateaux de tournage français pour des séries ou des films.

S’embrasser, se caresser ou faire l’amour, ces situations font partie du quotidien professionnel des comédiens et comédiennes sur les plateaux de tournages mais elles ne sont pas si anodines. Depuis l’avènement du mouvement #me too et les révélations concernant les abus de certains réalisateurs lors du tournage de ces scènes, elles sont davantage encadrées pour protéger les professionnels.
Un nouveau métier veille d’ailleurs au respect du consentement de chacun : il s’agit du coordinateur d’intimité. Najoua Ferréol exerce cette profession depuis trois ans en France et nous raconte son quotidien sur les plateaux de tournages.
« Mon rôle, c’est de préserver l’intimité mais je ne m’occupe pas que des scènes de sexe »
La découverte d’une vocation est souvent le fruit du hasard ou des aléas de la vie professionnelle quand il s’agit d’une reconversion. Comédienne, Najoua Ferréol a appris son nouveau métier sur l’un de ses tournages. « Deux de mes collègues refusaient de s’embrasser, ce qui posait des problèmes par rapport à l’histoire du court-métrage mais le réalisateur n’était pas du tout à l’aise pour aborder le sujet donc il m’a demandé de faire de la médiation entre eux. Voilà ma première expérience de coordination d’intimité complètement improvisée ! »
Après cette première expérience fortuite, Najoua s’est formée de façon professionnelle à la coordination d’intimité aux Etats-Unis. Là, où le métier s’est d’abord développé et où il est désormais plus encadré. Depuis, elle est sollicitée régulièrement par des sociétés de production françaises pour intervenir lors de tournage de court-métrages, films mais aussi principalement pour des séries diffusées à la télévision ou sur des plateformes américaines.
« Les plateformes comme Netflix, Amazon ou encore Disney ne veulent prendre aucun risque en matière de consentement, donc, de fait, la coordination d’intimité s’est imposée pour toutes les coproductions françaises diffusées sur ces supports »
Les principales missions d’une coordinatrice d’intimité ? « J'échange toujours avec les comédiens avant le tournage par rapport aux intentions de réalisation dont ils ont pris connaissance pour voir déjà s’ils ont des réticences par rapport à certaines scènes. C'est la base de mon travail. Parfois ils ne veulent pas montrer des parties intimes ou dévoiler d’autres zones car ils ont une cicatrice ou simplement, un complexe.Je préviens la production et la mise en scène en les informant que je ne les forcerais pas à tourner la scène. Evidemment, tout peut évoluer, certains s’avèrent finalement très à l’aise le jour J ou, au contraire, se rétractent. C’est là toute la subtilité de la notion de consentement. Il est possible de dire non à tout moment pendant le tournage. Après, c'est plus difficile. Cela implique de revenir sur les images déjà faites mais ça reste possible si ce qui est enregistré dépasse les limites dont m'avait parlé le comédien ou la comédienne ! » explique Najoua Ferréol.
« Mon rôle c’est de préserver leur intimité au sens large. Evidemment, il y a les scènes de sexe et de nudité mais la notion d’intime va bien au-delà selon moi. Un comédien peut par exemple être mal à l’aise par rapport à une scène de violences ou d’insultes raciales. Et c’est à moi de faire en sorte que la mise en scène prévue évolue pour respecter les limites de ce comédien. »
Le métier demande donc une grande capacité d’écoute et de discrétion ainsi qu’une connaissance approfondie des plateaux de tournage. « Un monde à part qui a ses règles implicites et sa propre hiérarchie de métiers, il faut faire preuve de tact et d’habilité pour ne froisser personne car il y a beaucoup d’égo ! »
Pendant un tournage, Najoua se trouve en général à côté du réalisateur ou de la script. « ça, c’est quand tout se passe bien, mais parfois je sens que je ne suis pas la bienvenue alors je me place plutôt en coulisses, du côté de ce que l’on appelle le HMC (habillage, maquillage, coiffure) mais je visionne chaque scène pour m’assurer qu’il n’y a pas de situations de malaise ! »
Si un comédien ne se sent pas à l’aise avec une scène intime, la coordinatrice peut ainsi voir avec la mise en scène si d’autres façons de raconter l’histoire existe ou si d’autres plans de caméra sont faisables afin de respecter les limites du professionnel. Des accessoires ou habits peuvent aussi être mis à leur disposition pour préserver sa pudeur.
Un métier pas encore accepté partout
Pour l’instant, la coordination d’intimité n’a pas de véritable statut en France, faute d’être inscrit dans la convention collective de la filière. Ce qui le rend difficile à accepter dans le milieu du cinéma. « Dans l’idée, tout le monde trouve ça génial la coordination d'intimité mais dans les faits, c’est plus compliqué. Les réalisateurs craignent parfois que ça enlève leur créativité ou nous voit comme des « mères la morale » alors que nous sommes juste là pour veiller au consentement et au bien-être des comédiens. »
La rémunération de ces missions, souvent d’une durée de quelques jours peut donc s’avérer très variable. « C’est le problème, chacun fixe ses propres tarifs sans que les formations ou les expertises soient reconnues », confie Najoua Ferréol.
Les missions précises du coordinateur d’intimité restent aussi floues car pas encadrées : « J’ai l’impression qu’actuellement notre métier se résume encore à de la pédagogie…l’une de mes tâches principales sur un tournage c’est d’expliquer ce que je fais et de faire sortir un peu mon rôle du fantasme qui l’entoure ! »
Progressivement, le métier commence quand même à se faire une place dans l’univers très fermé des tournages. Le 11 avril dernier, le rapport de la commission d’enquête sur les violences sexuelles dans le cinéma a préconisé l’instauration d’une obligation de proposer un coordinateur d’intimité pour tous les comédiens et comédiennes majeurs. Elle propose également de rendre obligatoire la présence d’un coordinateur d’intimité lorsqu’il y a des scènes intimes impliquant un mineur.
En attendant son application concrète sur les tournages, Najoua se satisfait des relations qu’elle crée avec les comédiens, toujours très bienveillants à son égard. « Une comédienne confirmée, plutôt connue, m’a dit un jour qu’elle avait changé d’avis sur la coordination d’intimité grâce à moi et c’est déjà une belle victoire ! »
Son souhait pour l’avenir ? « Que mon rôle soit vraiment perçu comme de la coordination, au même titre que celle qui existe pour les cascades. Je veux m’assurer que tout est sécurisé pour les comédiens lors de scènes intimes et qu’il n’y aura pas de blessures émotionnelles. Après, s’ils sont d’accord pour tourner une scène très torride et que tout se passe dans le respect de chacun, alors j’en suis très contente et je n’ai rien à redire ! » conclut Najoua Ferréol, bien loin de l’image de gardienne de la morale qui colle encore trop souvent à son métier.
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