Le télétravail va-t-il prendre fin dans les prochaines années en France ? Voici ce que révèlent les études

Amazon, Tesla, Méta… Ces derniers mois, les géants américains ont opéré un virage à 180° en imposant un retour en présentiel selon des règles strictes. En France, Ubisoft a suivi le mouvement en demandant un retour massif au bureau à ses employés. Mais alors, est-ce réellement la fin du télétravail en France ? Votre employeur peut-il réduire ou supprimer vos jours de télétravail ? On fait le point ensemble.

Amazon, Ubisoft, Tesla… Est-ce vraiment la fin du télétravail ?

Le 16 septembre 2024, Amazon a tranché : « Le télétravail, c'est terminé ! » L'ensemble des employés d’Amazon, soit 300 000 salariés, sont retournés au bureau dès janvier 2025. La cause ? Une chute de productivité estimée à 20 % ces dernières années. Amazon n’est pas le seul à tourner la page du travail à distance. D'autres entreprises américaines avaient déjà initié le mouvement avant Amazon : en 2022, Elon Musk a imposé un retour au bureau chez Tesla, exigeant au moins 40 heures de présence par semaine. Son message était clair : « Le télétravail n’est plus acceptable », et ceux qui refusaient étaient considérés comme démissionnaires. Bonne ambiance… Et en France, quelle est la tendance ?

En France, le leader français du jeu vidéo, Ubisoft, a suivi la voie américaine du retour au bureau et a demandé un retour massif en présentiel à ses 19 000 employés, à raison de trois jours au bureau par semaine minimum. Les salariés semblaient bénéficier d'une politique de travail flexible, ce qui a provoqué une grève de trois jours en octobre 2024. Votre télétravail va-t-il donc prendre fin dans les prochains mois ? Non, pas totalement en tout cas, à en croire différentes études. Après une chute post-confinement, la part de salariés Français en télétravail semble se stabiliser à 36 % en 2024, selon Statista. Un nombre quasiment à l'équilibre depuis trois ans. D'après une étude de l'Insee, publiée ce jeudi 5 mars, plus d'un salarié sur cinq du secteur privé travaillent régulièrement depuis chez lui.

À date, la fin du télétravail n'est pas d'actualité. Isabelle Gire, responsable de la prospective à l’Apec (Association pour l’emploi des cadres), explique : « Ce qui se passe chez Amazon, c’est propre aux États-Unis. Selon nos études, on n’assiste pas à un rétropédalage sur le télétravail, en tout cas pas en France. » Deux contextes bien différents, mais l'élan américain pourrait bien inspirer les entreprises françaises à repenser les règles du télétravail.

Télétravail partiel : une nouvelle norme plus consensuelle ?

Selon une étude Slack/Opinion Way, 82 % des entreprises encouragent leurs salariés à revenir au bureau, tandis que 7 entreprises françaises sur 10 imposent des jours de présence obligatoires en présentiel. Les règles du télétravail semblent être plus strictes désormais : à peine 4 % des travailleurs exercent en full remote soit à 100 % télétravail. Pour cause : d'après une étude de l'OCDE, la productivité d’un salarié est maximale avec un ou deux jours de télétravail. Au-delà, elle aurait tendance à baisser. D'après un récent rapport de l'Insee, publiée ce jeudi 5 mars, « l'organisation du travail est essentiellement hybride en France, avec 1,9 jour de télétravail en moyenne ». Le télétravail partiel semble donc être le compromis privilégié par les employeurs.

Une pratique mise en place par Slack, à l'origine de l'enquête : « Chez Slack, on a le souhait de se revoir et de passer un certain nombre de jours ensemble au bureau. Mais, chaque équipe décide du nombre de jours de télétravail, de sa fréquence et peut les moduler en fonction de ses propres temps forts », constatait Nicolas d’André, directeur de Slack France, pour Helloworkplace en 2023.

Les employeurs semblent se tourner vers le télétravail partiel, mais qu'en pensent les salariés français ? D'après l'étude Slack/Opinion Way, 93 % des personnes interrogées souhaitent se rendre au bureau au moins un jour par semaine. À en croire ces différentes études, le télétravail partiel serait le modèle le plus consensuel. Une chose est sûre : pas question de revenir en 100 % présentiel pour les travailleurs. En 2024, Hellowork a sollicité les candidats et les recruteurs pour mieux comprendre leurs usages et leurs attentes sur le travail. Voici ce qu'il en ressort sur le télétravail.

Le télétravail s'est profondément ancré dans les pratiques professionnelles françaises, comme un acquis social. Selon une étude de l’Apec publiée en mars 2023, un cadre sur deux serait même tenté de démissionner en cas de suppression totale du télétravail. Une autre enquête YouGov pour le HuffPost révèle 37 % des Français considèrent que la possibilité de télétravailler est déterminante dans le choix d’un emploi. Mais pourquoi les salariés français sont-ils tant attachés au télétravail ?

Pourquoi rester en télétravail ?

Les travailleurs français bénéficient des avantages du télétravail sous plusieurs aspects. D’après l'Observatoire 2023 du télétravail, 72 % des Français déclarent être davantage concentrés lorsqu’ils travaillent depuis chez eux, ce qui améliore directement la productivité et la qualité du travail effectué. Mais le télétravail, c'est aussi un gain de temps et d'argent conséquent. Frais de déplacements, restauration, temps de trajet… 82 % reconnaissent que cette pratique leur permet un meilleur équilibre entre vie pro et vie perso. D'après l'Insee, « 7 salariés sur 10 qui considèrent leur poste comme télétravaillable y recourent ». Des bénéfices pour les salariés, mais pas seulement. D'après une étude du Groupe Diot-Siaci, le télétravail aurait contribué à une baisse de l’absentéisme en France, avec une diminution du taux d’absences de 5,64 % en 2022 à 5,06 % en 2023. 63 % des télétravailleurs ont d'ailleurs confié que la flexibilité du travail à distance les a aidé à éviter des arrêts de travail. Mais alors, pourquoi les employeurs veulent-ils à tout prix un retour partiel au bureau ?

Pourquoi revenir au bureau ?

Du point de vue des entreprises, le télétravail est loin d'être parfait. Après avoir interrogé plus de 20 000 employés, l'étude de l'Institut de recherche en politique économique de Stanford, publiée en juillet 2023, note une « baisse de production de 18 à 20 % » en moyenne pour les entreprises qui pratiquent le télétravail. Plusieurs raisons ressortent :

• Difficulté de communication et de coordination
• Diminution de la créativité, à cause du multi-tâches
• Baisse de l'apprentissage et du feedback (retour de l'information)
• Réduction de nouvelles connexions entre anciens et nouveaux salariés : l'enquête du Groupe Diot-Siaci confirme cela, avec 48% des cadres qui trouvent qu’il est plus difficile de s’intégrer ou d’intégrer de nouveaux salariés en télétravail.

Si votre employeur considère également que le télétravail est néfaste pour l'entreprise, a-t-il vraiment le droit de vous supprimer votre télétravail ?

Votre employeur peut-il réduire ou supprimer vos jours de télétravail ?

À la différence des États-Unis, la France a encadré le télétravail par des accords entre syndicats et entreprises, qui rendent la suppression de cette pratique difficile (mais pas impossible). Par exemple, les employés français ont pu bénéficier d’une protection face à la suppression totale du télétravail chez Amazon grâce à ces accords. Comme chaque entreprise, votre droit au télétravail est aussi prévu par une charte ou par un accord collectif. Votre employeur peut-il mettre fin à votre télétravail du jour au lendemain ? La réponse est non ! Si votre droit au télétravail est prévu dans votre contrat, votre entreprise ne peut pas réduire ou supprimer vos jours de distanciel sans votre accord. Mais attention, la plupart des accords sur le télétravail en France ont une durée de vie de 3 ans et sont actuellement en cours de renégociation. Il se pourrait que vos conditions de télétravail évoluent dans les mois à venir, sans que vous ayez à signer quoi que ce soit, car cet accord est conclu directement entre les syndicats et les employeurs.