« On se dit Wonder Woman avant de comprendre qu’on a besoin d’aide » : Laurence, atteinte d’endométriose, témoigne

Vivre avec une douleur chronique et serrer les dents au travail était le quotidien de Laurence Lambourdière pendant de nombreuses années. A toujours penser aux autres, elle avait oublié de se préoccuper d’elle-même… Jusqu’à ce que les efforts répétés de ses collègues pour qu’elle écoute ses maux portent leurs fruits. Découvrez son parcours inspirant.

Laurence parle maintenant ouvertement de son handicap. Pourtant, elle a dû faire face à des préjugés pendant de nombreuses années avant que son endométriose soit diagnostiquée. « Quand j’étais plus jeune, j’ai commencé à me questionner, mais on m’a répondu par des stéréotypes sur les femmes, comme « tu es trop sensible » ou « les douleurs font partie du quotidien ». On sait maintenant que mes premiers kystes sont apparus à l’âge de 11 ans », raconte-t-elle. A 20 ans, elle subit une intervention au laser, suivie d’une ablation des trompes dix ans plus tard.

C’est seulement trois ans plus tôt qu’elle obtient une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH). « Ce cheminement a été très compliqué. Au début, on minimise ses symptômes, mais on réalise finalement que vivre avec une douleur constante n’est pas normal. » On se dit « warriors », « Wonder Woman » avant de comprendre qu’on a besoin d’aide », admet-elle.

« J’étais incapable de travailler »

Laurence est diabétique et souffre d’hypertension et de migraines dues à la fatigue et à l’endométriose. Quand elle a rejoint son entreprise actuelle, EQIOM, il y a 14 ans, cette dernière n’a pas évoqué ses difficultés. « Pour moi, je n’étais pas malade. J’avais juste des petits problèmes de santé », commente-t-elle.

Or, ses collègues, eux n’étaient pas dupes. « J’ai souvent été malade au travail, avec des pertes de connaissance et des nausées. Les pompiers ont reçu de nombreux appels à mon ancien poste ainsi que chez Eqiom, continue Laurence. J’ai fini par me confier à mes collègues, car je les voyais souvent s'inquiéter. Je n’ai pas pu cacher plus longtemps la vérité. Ce qui par la suite les a amenés a m’aider, lorsque j’avais des difficultés liées à mes problèmes de santé. »

En dépit du soutien de ses collègues, Laurence refusait d’envisager la RQTH. « J’étais aidante : mes proches souffraient de maladies chroniques. Quand je voyais ce qu’ils enduraient, je me disais que ma situation, à côté, c’était « peanuts ». Je n’avais pas le temps de penser à moi », continue-t-elle. Après le décès de ses parents et grands-parents, sur plusieurs années consécutives, le corps de Laurence lâche : « J’étais incapable de travailler comme avant. Mon responsable de l’époque m’a conseillé de consulter un psychologue. Je n’ai pas voulu, jusqu’au jour où j’ai perdu ma voix. Son conseil était avisé, car je perdais pied. »

« Mon responsable ajuste ma charge en fonction de mon état »

Enfin consciente qu’elle avait besoin d’aide, Laurence a commencé à se renseigner sur le sujet. « A ce même moment, EQIOM a lancé des campagnes de communication internes sur le handicap. Je me suis confiée et on m’a suggéré de demander une RQTH. J’ai fini par me dire : j’ai un handicap, même invisible, et je peux être aidée. Pourquoi ne pas accepter une main tendue ? », indique-t-elle.

Son poste a été aménagé avec l’aide d’un ergonome, puis ses horaires. Elle travaille maintenant à domicile à temps complet. Un changement radical pour la comptable : « Pourquoi ne l’ai-je pas fait avant ? C’était stupide de refuser par orgueil ou déni. Maintenant, je le dis à tout va : je suis handicapée sans ressentir de honte ou être diminuée ! »

Quelques mois après l’obtention de sa RQTH, Laurence apprend qu’elle souffre d’un cancer du sein. Elle est aujourd’hui en mi-temps thérapeutique. « Au début, j’avais du mal à organiser mes pensées, j’étais très fatiguée. Maintenant, ça va mieux ! Grâce au mi-temps, je reprends de la vigueur et mon responsable ajuste ma charge en fonction de mon état. J’ai beaucoup de chance d’être soutenue. »

« Parler de son handicap, ce n’est pas se victimiser »

Comme de nombreuses personnes atteintes de handicaps invisibles, il a été difficile pour Laurence, au départ, de se confier. « Si on ne partage pas nos difficultés, les autres ne peuvent pas comprendre. Parler, ce n’est pas se victimiser. Ma force actuelle et la compréhension de mes responsables et mes collègues, viennent du fait que j’ai osé en parler », pointe-t-elle.

Aujourd’hui, Laurence exprime ouvertement ses émotions, car la communication est essentielle pour résoudre les problèmes de santé. « Libérer la parole a permis de se rendre compte d’un problème génétique dans ma famille. Si j’étais restée dans le déni, personne ne l’aurait su. Cela a permis de diagnostiquer des membres de ma famille, qui ont été traitées à temps. »

« Je sais maintenant comment aider les autres »

Parce qu’elle tenait à aider son prochain, Laurence a pris le rôle de référente Inclusion et Diversité Ile-de-France au sein de son entreprise EQIOM, filiale du groupe irlandais CRH, leader mondial des matériaux de construction. « Il y a des référents dans chaque corps de métier : ciment, granulats, béton, explique-t-elle. J’ai été aidante, puis j’ai moi-même été malade. Grâce à cela, je sais maintenant comment aider les autres. Je suis formée pour accompagner les salariés dans la préparation de leur dossier RQTH. C’est un dossier compliqué à remplir, on ne peut pas le faire seul. On doit se mettre à nu et faire face à nos difficultés », ajoute-t-elle.

Depuis qu’elle a pris ce rôle, Laurence est devenue une source d’information privilégiée pour ses collègues. « Beaucoup ont encore du mal à aller jusqu’au dossier, ce que je déplore, mais au moins ils sont informés. Je clarifie les aménagements de poste et le fait que ce n’est pas qu’on ne veut pas travailler, mais qu’on rencontre des difficultés. Je suggère aussi aux managers d’être plus compréhensifs envers les salariés ayant un handicap, car cela peut affecter leur capacité de travail. Le but est de faire connaître la RQTH aux personnes qui en ont besoin. Car, en pensant à soi, on est plus efficace pour l’entreprise », abonde Laurence.

« On peut être tout aussi performants avec de l’aide »

Les personnes en situation de handicap et les aidants peuvent bénéficier d’une aide précieuse grâce à la proximité des référents. Cela permet une communication fluide et confidentielle, ce qui facilite l’expression des préoccupations sans crainte d’être jugé. En revanche, on peut toujours aller plus loin, estime Laurence : « Je suis référente pour l’Ile-de-France, mais beaucoup de personnes ne me connaissent pas, malgré mon travail transverse. On doit continuer à diffuser l’information et expliquer pourquoi on devient référent, car notre rôle est d’aider les gens, pas de courir après un titre. »

Aux candidats hésitants, Laurence recommande d’oser parler de leurs difficultés. « Ne craignez pas d’être jugés. On peut être tout aussi performants avec de l’aide. Mon travail reste pertinent, sinon mon responsable me l’aurait dit. J’ai vécu des situations rocambolesques par le passé, alors que j’étais entourée de personnes compréhensives. Si un responsable ne l’est pas, d’autres personnes peuvent vous aider, comme les RH, un référent, un délégué syndical ou des représentants du CSE. Il faut persévérer et, si cela ne passe pas par la porte, passez par la fenêtre », conclut Laurence en souriant.