Anne-Fatoumata M'Bairo, judokate : « La reconversion est l'une des meilleures choses qui puisse nous arriver »
La judokate de l'équipe de France, Anne-Fatoumata M'Bairo, est en pleine reconversion professionnelle, à la recherche d'un « métier qui la stimule autant que le judo ».

À 31 ans, la judokate française Anne-Fatoumata M'Bairo le sait : sa carrière sportive « touche à sa fin ». Après une carrière brillante, couronnée par de nombreuses médailles nationales, européennes et mondiales, elle s'apprête à dire au revoir au tatami, et à tourner une nouvelle page de sa vie. En dernière année de master en Business-Management, l'ancienne championne de France de judo a décidé de lancer sa propre entreprise, spécialisée dans le linge de table artisanal aux couleurs des tissus africains. Anne-Fatoumata nous dévoile les coulisses de sa transition, de judokate en équipe de France à entrepreneuse passionnée.
Parallèlement à votre carrière de sportive de haut niveau, vous avez choisi d’anticiper votre reconversion professionnelle. Qu’est-ce qui a déclenché cette réflexion ? À quel moment avez-vous commencé à envisager l’après-judo ?
L'année dernière, j'ai commencé ma première année de master et j'ai réalisé que la fin de mes études approchait… et celle de ma carrière sportive aussi. Je ne me voyais pas poursuivre le judo encore longtemps, je savais que ma carrière de judokate touchait aussi à sa fin. Cette prise de conscience m'a beaucoup questionné quant à mon avenir. Quel métier pourrait me donner les mêmes sensations que le judo ? Qu’est-ce qui me donnerait envie de me lever chaque matin avec la même énergie ? J'ai compris que je devais retrouver un métier passion.
Vous avez décidé d'orienter votre après-carrière vers l'entrepreneuriat, et plus précisément dans le linge de table artisanal aux couleurs des tissus africains. Comment avez-vous trouvé cette voie ?
Je voulais un métier qui me stimule autant que le judo. C’est pour cela que je me suis tournée vers une autre passion : la décoration d’intérieur. J'aime l'artisanat africain depuis toujours, depuis que ma mère m'a transmis cet art. J’ai ressenti le besoin de lier mon futur métier à mes origines africaines. En Afrique, et dans ma famille, l’art de recevoir est une valeur importante, et j’avais envie de l'exprimer et de la promouvoir. Le déclic a eu lieu quelques semaines après avoir fêté mes trente ans, où j'ai ressenti le besoin de me reconnecter à mes origines. J’ai voulu en apprendre plus, me forger ma propre vision. C'est comme ça que l'idée de l'entrepreneuriat est venue à moi, presque naturellement.
Comme le sport de haut niveau, il repose sur des valeurs qui me tiennent à cœur et j'aime l'idée de les transmettre à travers mon univers professionnel. J'accorde beaucoup d'importance à mettre de la passion dans tout ce que je fais. Il me fallait un métier comme le judo, qui me donne envie de me lever le matin, qui me rappelle pourquoi je me fais ça, qui m’apporte une source de motivation. Je sentais que ça pouvait être une belle transition pour ma vie future. Cette reconversion s'est faite naturellement, et de manière très spontanée. Je n'ai pas construit les choses, j’ai simplement suivi mon intuition et foncé.
Comment avez-vous entamé votre reconversion ? Quelles ont été les grandes étapes de cette transition ? Il me semble que finaliser vos études était une priorité pour vous.
Oui, en effet. J’ai toujours su que, tôt ou tard, il me faudrait envisager une reconversion. C’est pourquoi j’ai poursuivi mes études tout au long de ma carrière de judokate. J’ai commencé à 19 ans avec un certificat d’assistante de manager, suivi d’un DUT, d’un bachelor, et aujourd’hui, je termine un master en Business-Management. Le chemin a été long, car le judo me prenait énormément de temps. J’ai redoublé plusieurs années, souvent absente à cause des compétitions et des entraînements, mais ça me tenait à cœur de poursuivre mes études pour préserver un équilibre dans ma vie. J'arrive enfin au bout de mes études : c'était mon objectif de fin de carrière.
Aujourd’hui, ce master m’aide à structurer mon entreprise, Keur Kani. Elle est déjà lancée, mais je ne peux pas encore en vivre pleinement. Je suis en pleine réflexion : pourquoi pas me lancer dans un diplôme d'entraîneur, pour garder un lien avec ce sport, tout en générant des revenus pour continuer à développer mon projet ?
Une reconversion professionnelle, c'est aussi une période de doute et de remise en question. Quelles ont été vos premières inquiétudes ou vos plus grandes difficultés ?
J'ai réussi à surmonter mon appréhension en passant à l'action. Ma plus grande peur, c’était d’arrêter ma carrière de judokate et de me retrouver dans le flou, sans savoir où me situer, sans savoir dans quelle direction j'allais, ni quel métier exercer ensuite, et d'être bloquée. J’avais aussi cette angoisse de ce que l’on appelle « la mort du sportif de haut niveau », ce moment où l’on ne trouve plus de sens à sa vie après sa carrière. Ma reconversion m'a permis de me rassurer : j'anticipe et je sais où je mets les pieds. J'ai pu lâcher prise et prendre plus de plaisir sur cette fin de carrière, avec moins de stress. Je sais que ce moment va bientôt arriver, mais quand il sera là, je serai prête. Le sport de haut niveau offre beaucoup d'opportunités, c’est maintenant qu'il faut profiter de toute cette aide et de tout ce soutien.
Vous avez justement été accompagnée par le Club INSEP Alumni pour faciliter cette transition professionnelle. Est-ce que vous pouvez nous raconter cette rencontre, et ce qu'elle vous apporte ?
Le Club INSEP Alumni est un réseau fondé par et pour les sportifs de haut niveau, qui nous accompagne dans nos reconversions après-carrière. Je les ai rejoints au moment où j’ai lancé mon entreprise, il y a environ un an. Leur président était une connaissance du judo, donc la rencontre s'est faite naturellement. Aujourd'hui, ils m'aident à construire mon entreprise, avec un mentor qui me supervise et me guide tout au long de mon projet.
Diriez-vous que votre statut d’athlète de haut niveau vous a ouvert des portes ou au contraire, qu'il vous a freinée dans votre reconversion ?
Je dirais que ça m'a plutôt ouvert des portes. J'ai cru pendant longtemps que c'était un frein, car j'aurais pu suivre un cursus normal et terminer mes études bien plus tôt. Mais aujourd'hui, je réalise que c’est en réalité un avantage. À la fin de nos études, on est souvent jeune, avec peu de recul et de maturité. Quand je serai vraiment confrontée au monde du travail, j'aurai les armes pour répondre. Je pensais être prête il y a quelques années, mais je ne l'étais pas, contrairement à aujourd'hui. En tant qu'athlète de haut niveau, j'ai plein d'opportunités que je n'aurais jamais pu avoir sans ça, comme le Club INSEP Alumni, mais aussi la sécurité financière d'allier plusieurs projets en même temps. Il y a tellement de valeurs qui me sont transmises par le sport de haut niveau que c'est un atout, plutôt qu'un frein.
Quelles compétences ou valeurs issues du sport de haut niveau vous aident aujourd'hui dans votre reconversion ?
La résilience et la ténacité, sans hésitation ! Il y a aussi la politesse, l'amitié… Ce sont des traits de mon caractère, mais je me rends compte en le disant que ce sont des valeurs qui m'ont été transmises par ma mère aussi, même si elles ont été renforcés par le judo. Sans ce sport, je ne serais pas ce que je suis aujourd'hui. Quand quelque chose me tient à cœur, j'y vais et je ne me pose pas de questions. C'est grâce au sport : on nous apprend à croire à nos rêves, à croire en nous, à connaitre nos atouts, notre corps et ce dont on est capable.
Aujourd'hui, vous cumulez judo, études et reconversion. Comment restez-vous motivée et en forme au quotidien ? Après avoir goûté à l'adrénaline de la compétition pendant des années, comment appréhendez-vous le retour à une vie plus routinière ?
Oui, j'appréhendais énormément parce que j'avais peur de perdre toute cette adrénaline, tous ces sentiments que m'apporte le judo. C'est pour ça que j'ai lancé mon entreprise : j'ai conscience que ce ne sera pas la même chose, mais j’y retrouve le challenge et le dépassement de soi. Le sport de haut niveau, ça reste quelque chose d'unique et je l'ai compris. C'est pour ça que, lorsque le moment arrivera, je serai prête à me tourner vers le futur. Concernant le cumul sport de haut niveau, études et reconversion, c'est très difficile de maintenir un équilibre. Je m'étais préparée et je savais que cette année allait être difficile. Sauf que je sais désormais vers où je veux aller, et ça m'aide à rester motivée. Il y a toujours un moment où l'un prend le dessus sur l'autre, mais il faut être capable de l'accepter. Il y a toujours un moment où un objectif s'essouffle, et c'est agréable de prendre une bouffée d'oxygène dans l'autre. Vous reprenez de la force pour rebondir à nouveau. Le sport de haut niveau m'a habituée à me fixer des doubles ou des triples objectifs !
Quel est le message ou le conseil que vous aimeriez transmettre à ceux qui envisagent une reconversion professionnelle ? Beaucoup n'osent pas sauter le pas.
Je leur dirais de s'écouter, de ne pas avoir peur de passer le cap et de ne pas attendre la perfection directement. On se perfectionne avec le temps. Je pense que si vous avez cette petite idée en tête, ce n'est pas pour rien, alors lancez-vous ! Parfois, il est même préférable de déconnecter son cerveau et de foncer. La reconversion est l'une des meilleures choses qui puisse nous arriver : on a tendance à croire que l'on a reculé, mais en réalité, on garde toujours nos bases. Même si ça ne fonctionne pas au niveau professionnel, j'ai appris énormément de choses sur le plan personnel, dans la connaissance en soi. J'ai développé des qualités que je ne connaissais pas chez moi, comme la patience. Je ne repartirai pas de zéro.
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