Trouver sa voie : à quel âge sait-on vraiment ce qu’on veut faire ?

Rappelez-vous, il y a quelques mois, la ministre de l’Education Elisabeth Borne avait une idée très claire sur la question : « Il faut se préparer très jeune, dès le départ, presque depuis la maternelle, à réfléchir à la façon dont on se projette dans une formation et dans un métier demain. » Tout se jouerait donc dès le plus jeune âge ? Pas si sûr.

Des rêves d'enfant aux premiers choix de carrière

Là où Elisabeth Borne n’a pas tort, c’est que la plupart des enfants commencent déjà à se projeter dans la vie professionnelle alors qu’ils ne sont pas plus hauts que trois pommes : pompier, princesse, explorateur, super-héros ou vétérinaire. Des envies plus ou moins réalistes qui peuvent s’avérer de véritables vocations. Si l’enfance semble jouer un rôle crucial dans la construction des aspirations, est-ce pour autant une étape décisive qui détermine à coup sûr la trajectoire future ?

Une étude américaine de 2020, basée sur les réponses de 2 000 adultes, concluaient que seuls 22% des professionnels exercent le métier dont ils rêvaient enfants. Malheureusement ? Pas forcément. L’étude poussait son analyse plus loin en comparant les différentes aspirations de carrière selon l’âge. A l’école primaire, les enfants souhaitaient devenir sportif professionnel, professeur, vétérinaire, médecin ou astronaute. Au collège, on retrouve toujours sportif professionnel, professeur et médecin, mais aussi scientifique, écrivain ou encore artiste. Au lycée, le métier d’écrivain décroche la première place devant ingénieur, scientifique, professeur et médecin.

En grandissant, le “monde réel” prend le dessus sur les rêves d’enfant. Orientation scolaire, représentations sociales, environnement familial : autant de facteurs qui influencent les choix. La famille proche pèse même bien plus qu'on ne le pense. Un rapport remis à l’Assemblée nationale en 2023 faisait ainsi ce constat : 80% des enfants nés de parents cadres occupent le même type d’emploi plus tard, quand près d’un enfant d’ouvrier sur deux devient ouvrier à son tour.

Autrement dit, nos rêves d’enfant évoluent au rythme des influences sociales, scolaires et familiales, pour finalement se confronter à une autre étape charnière : le début de l’âge adulte.

Le début de l’âge adulte, quand la réalité rattrape les rêves

Quel métier faire quand on n’aime rien ? C’est une question qui taraude de nombreux jeunes adultes. En effet, après l’âge des rêves (de 7 à 10 ans), celui des découvertes (10-14 ans) puis celui des choix (14-18 ans), de nombreuses personnes poursuivent des études supérieures ou rentrent dans la vie active sans vraiment savoir ce qu’ils veulent faire.

C’est un autre moment déterminant de l’orientation professionnelle, fait de tests et de découvertes. Par exemple, selon l’Observatoire national de la vie étudiante, plus de 40% des étudiants occupent un emploi en parallèle de leurs études. Mais moins de 10% travaillaient dans un secteur lié au contenu de leur formation… Plus utile qu’on ne le pense pour infirmer ou confirmer des choix de carrière : « Ce qui est sûr, c’est que je ne veux surtout pas faire ça ! » Les études supérieures sont aussi un moment rempli d’inquiétude. D’après une étude Diplomeo, 64% des 18-21 ans et 67% des 22-25 ans ont comme préoccupation quotidienne majeure leur insertion professionnelle. Loin devant la réussite scolaire ou le pouvoir d'achat.

Mais même les études supérieures et les premiers pas dans la vie active ne suffisent pas toujours à dissiper les incertitudes. Car le véritable test survient souvent au moment du premier emploi. De quoi calmer une bonne fois pour toutes les préoccupations entourant la carrière et le choix professionnel ? Pas si sûr. En 2021, une enquête BVA soulignait que près des deux tiers des personnes ayant entamé ou envisageant une reconversion professionnelle ont entre 25 et 34 ans. Orientation mal ciblée, nouvelle opportunité, première expérience décevante… Les raisons pour se réorienter dès le début de sa vie professionnelle sont nombreuses. Quand on souhaite faire un virage, les freins sont moins nombreux après seulement quelques années de carrière. Des constats qui rappellent une réalité de plus en plus partagée par les nouvelles générations : l’orientation n’est pas une décision unique et définitive, mais un chemin qui s’écrit au fil du temps.

Finalement, il n’y a pas d’âge pour savoir ce qu’on veut faire de sa vie sur le plan professionnel. Certains trouvent leur voie à 10 ans, d’autres à 30, et beaucoup continuent de chercher toute leur carrière. En 2016, un rapport du Forum économique mondial prédisait : « 65 % des enfants qui entrent aujourd'hui à l'école primaire finiront par exercer des métiers totalement nouveaux qui n'existent pas encore. » Dans un monde où les métiers changent sans cesse, le plus important n’est peut-être pas de savoir ce qu'on veut faire tôt… mais d’oser se réinventer quand il le faut.