« C’est quoi le Handitutorat ? » : l’exemple de Sopra Steria

Vous connaissez probablement le tutorat, une pratique qui permet à un tuteur d’accompagner un individu moins expérimenté dans l’acquisition de connaissances. Sopra Steria, acteur majeur de la tech en Europe, pratique le handitutorat. La différence ? « La réponse est dans la terminologie, relève Philippe Baconnet, responsable de la Mission handicap du groupe. C’est un tutorat qui s'adresse à des personnes en situation de handicap. » Par rapport à sa version classique, le handitutorat intègre des notions de base autour du handicap dans la formation du tuteur.

En quoi consiste celui de Sopra Steria ?

Le programme Handitutorat de Sopra Steria mobilise des étudiants de grandes écoles et universités*, chargés d’apporter du soutien scolaire à des lycéens (et quelques collégiens) en situation de handicap, dans le but de les accompagner vers les études supérieures. Pour cela, ils sont formés et suivis par des managers de l’entreprise, spécialisés sur le sujet.

Philippe Baconnet

Responsable de la Mission Handicap de Sopra Steria

Ce dispositif, lancé par la Mission handicap du Groupe en 2014, est parti d’un constat. « En démarrant notre politique handicap, nous avions remarqué qu’il était difficile de trouver des candidats en situation de handicap et qui répondaient aux critères de recrutement de l'entreprise », raconte Philippe Baconnet. En effet, en tant qu’ESN (entreprise des services numériques), Sopra Steria recrute de nombreux profils d’ingénieurs, détenteurs d’un bac + 5. Or, parmi les jeunes en situation de handicap, très peu effectuent de longues études. « En analysant les chiffres de l’Education nationale, nous nous sommes aperçus que 80 % d’entre eux n’allaient pas au-delà du bac », se souvient-il. C’est ainsi, « avec la volonté de les aider à franchir ce cap de l’enseignement supérieur », qu’est née l’idée du Handitutorat.

Plus de dix ans plus tard, le dispositif qui a largement fait ses preuves, continue d’intéresser les étudiants et les élèves. « Cette année, nous avons 75 binômes », informe le responsable de la Mission handicap. Ces derniers se rejoignent généralement le jeudi après-midi, dans l’enceinte de l’établissement scolaire du tutoré, « pour rester dans un environnement de travail ». Ils revoient ensemble les notions pour lesquelles le lycéen présente des lacunes, notamment dans les matières scientifiques.

Des étudiants handituteurs formés au handicap…

Dans son encadrement, l’étudiant handituteur tient compte du handicap de son élève et des conséquences sur l’apprentissage. Pour cela, il est formé en amont par Sopra Steria. « La formation se découpe en deux modules. Le premier, sous forme d’e-learning, leur donne les grands principes du handicap. Les tuteurs passent ensuite une demi-journée en présentiel avec des consultants externes qui leur présentent les grands principes du handitutorat et répondent à leurs questions. Puis, ils effectuent des exercices de mise en situation. » Cette formation se déroule en octobre, de façon à ce que le tutorat démarre à la rentrée des vacances de la Toussaint, pour toute l’année scolaire.

… et épaulés par des managers de Sopra Steria

En parallèle, les étudiants handituteurs bénéficient de l’appui d’un handimanager, un salarié référent de Sopra Steria, doté « d’une certaine maturité en matière de pilotage d’équipe et de management ». « Ce peut-être un chef de projet, un directeur d'agence… Des personnes qui sont expérimentées, qui ont un vrai intérêt à la fois sur le sujet du handicap et sur l'accompagnement de jeunes », rapporte Philippe Baconnet. Ils organisent des points d’étapes toutes les deux semaines avec les étudiants, pour assurer le suivi du tutorat, mais restent disponibles entre temps, pour répondre à leurs questions.

« Ce tutorat leur redonne de l’assurance »

Au fil des semaines, ce Handitutorat donne lieu à de belles relations. « Ce sont des jeunes qui ont les mêmes centres d'intérêt, car ils sont de la même génération. Ils n’ont, en réalité, que trois ou quatre ans d'écart », fait remarquer Philippe Baconnet.

Outre les liens parfois amicaux qui naissent de ce dispositif, pour les lycéens accompagnés, les avantages sont nombreux. « Ce tutorat leur redonne de l’assurance, et leur permet de progresser dans leurs résultats scolaires », résume le responsable de la Mission handicap, en relativisant : « Il faut qu'on reste modeste, tous ne basculent pas dans l'enseignement supérieur, mais il y a de réels bénéfices en termes de confiance en soi et d'évolution positive de leurs résultats scolaires ».

Lycéens comme étudiants, tout le monde est gagnant !

D’après lui, ce qui est certain c’est que ces jeunes tutorés « réussissent mieux dans leurs études par la suite, qu’ils n’auraient pu y parvenir sans cet accompagnement ». D’ailleurs, certains d’entre eux accèdent à de beaux parcours universitaires. Il y a quelques années, un jeune en situation de handicap qui avait été accompagné dans le cadre du Handitutorat de Sopra Steria, est lui-même devenu tuteur, après avoir intégré l’ISIMA, une école d’ingénieure basée à Clermont-Ferrand. « Il a finalement rendu aux autres, l’aide dont il avait bénéficié », s’enthousiasme Philippe Baconnet. Un exemple empli d’espoir, qui permet de « montrer à ces jeunes que malgré leur handicap, ils peuvent atteindre des formations aussi qualifiantes, que leurs camarades étudiants valides », témoigne-t-il.

Ce programme est tout aussi passionnant, gratifiant et utile, pour les étudiants tuteurs, car « ils sont les managers de demain », souligne Philippe Baconnet. Grâce à cet engagement étudiant, « ils arriveront dans leur future entreprise avec une nouvelle vision du handicap », promet-il.

*Les écoles partenaires sont Centrale Supélec sur les sites de Paris, Rennes et Metz, CPE à Lyon, ENSEIRB-MATEMECA à Bordeaux, INSA à Rennes, ISIMA à Clermont Ferrand, ENAC à Toulouse.