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Être bien au travail

INTERVIEW. Comment convaincre son entreprise de tester la semaine de 4 jours

Par Hugo Diverres Publié le

73% des salariés sont favorables à son instauration.

INTERVIEW. Comment convaincre son entreprise de tester la semaine de 4 jours
« La semaine de 4 jours, c’est un choc de confiance pour les salariés comme pour l’entreprise » © 4jours.work

Pionnière en la matière, l’entreprise sociale 4jours.work s’est donnée pour mission de démocratiser la semaine de 4 jours en France. Le but ? Redonner du temps à chacun pour le bien-être de tous. Sans compromis sur la performance. Rencontre avec Philippe du Payrat, co-fondateur de 4jours.work, qui accompagne les entreprises sur la semaine de 4 jours, dans toutes ses déclinaisons.

A quoi ça ressemble la semaine de 4 jours en entreprise ? « C’est de la dentelle, du cas par cas »

« Aujourd’hui, la semaine de 4 jours, c’est comme le bitcoin : tout le monde en parle mais très peu en ont. Certains disent que c’est génial, d’autres, que c’est l’enfer sur terre. Et il y en a encore moins qui savent par où commencer »

Vous aussi, vous avez peut-être entendu parler de la semaine de 4 jours dans les médias, dans vos réunions de famille ou au détour de la machine à café. Et pour cause, non seulement des expérimentations ont lieu partout à travers le monde, mais c’est surtout un avantage que de nombreux salariés réclament. « C’est le plus demandé, quelle que soit la catégorie socio-professionnelle, quel que soit l’âge, le genre… 73% des actifs veulent la semaine de 4 jours », confirme Philippe du Payrat.

© 4jours.work

« Malgré tout, si je suis un DRH, un DG ou un CSE, je ne sais pas par où commencer sur un tel sujet. C’est la raison pour laquelle on a créé 4jours.work : pour démocratiser la semaine de 4 jours en France sous toutes ses modalités ». Soutenue par B Corp, la CFE-CGC, ou encore l’Emlyon business school, 4jours.work s’est donné pour mission d’acculturer, sensibiliser et former les entreprises françaises sur le sujet : « En premier lieu, on sensibilise les entreprises, CSE ou dirigeants qui se demandent si c’est fait pour eux. Puis on propose un accompagnement complet pour les entreprises qui souhaitent expérimenter, avec un programme de formation stratégique, opérationnel, juridique et RH. En clair, on accompagne les entreprises pendant 2 mois pour leur donner toutes les clés afin de mettre en place leur semaine de 4 jours, celle qui correspond à leurs impératifs économiques et enjeux humains. »

Car il y a autant de semaines de 4 jours que d’entreprises ! Une première expérimentation a d’ailleurs démarré en France l’année dernière et, contrairement à certaines idées reçues, ce ne sont pas uniquement des startups qui y participent : boulangerie, bureau d'étude, agence design, usine agroalimentaire, institut d’étude supérieur. De nombreuses typologies de moyennes et petites entreprises participent au test, sous l’égide de 4jours.work. « La semaine de 4 jours, c’est de la dentelle, du cas par cas pour chaque entreprise », précise Philippe du Payrat. « Je n’ai jamais eu une seule organisation qui avait le même mode d’implémentation de la semaine de 4 jours. C’est normal, une boulangerie ouverte 6 jours sur 7, cela n’a rien à voir avec une usine agroalimentaire, qui en l’occurrence a opté pour une semaine de 4 jours en mode saisonnier. Une autre entreprise, en full remote, a préféré expérimenter sur 4,5 jours. Une autre a fait le choix d’une alternance de semaines, 2 demi/journées off, puis 1 journée off. »

© 4jours.work

Pourquoi les salariés veulent la semaine de 4 jours ?

Vous craignez de passer pour un salarié désengagé ou qui ne veut pas travailler en évoquant la semaine de 4 jours dans votre entreprise ? Il y a pourtant des raisons fondamentales qui expliquent pourquoi de nombreuses personnes aspirent à cette réduction du temps de travail. Pour Philippe du Payrat, au moins trois raisons principales sautent aux yeux :

L’égalité femmes hommes. « Les femmes sont plus favorables à la semaine de 4 jours, de 8 points de plus. Parce qu’elles ont plus de boulot à la maison... »

L’intensification du travail, liée aux nouvelles technologies, « qu’elle soit induite par l’employeur ou perçue par le salarié. C’est l’une des raisons principales de la hausse de l’absentéisme et des burnout. »

Le modèle social. « Il est questionné car il est en crise. Cela aboutit à des clichés comme la « perte de sens au travail », « génération de feignants ». Mais quand, dans un jeune couple, on travaille au total 10 jours par semaine, on est aidant pour nos parents, on élève nos enfants, et qu’on vit et meurt à un autre endroit que notre réseau de solidarité, ce n’est pas ce que j’appelle être feignant… Les jeunes générations savent qu’elles vont devoir bosser jusqu’à 70 ans. Leurs dépenses comprimées sur le logement ou l’alimentation sont bien plus fortes que celles de leurs ainés au même âge. Sans parler des enjeux climatiques. Notre modèle actuel ne donne pas envie ! »

« Réinterroger notre rapport au travail, entre travail rémunéré et non rémunéré, c’est se poser les bonnes questions : qu’est-ce qui fait que notre société a du liant, qu’on a du vivre ensemble et comment on replace le travail dans la vie ? En 2030, 25% des salariés seront des aidants. C’est déjà demain. Une partie de la société tient grâce au travail non rémunéré : prendre soin de nos voisins, s’engager dans les milieux associatifs, etc. Au travers des expérimentations, on est capable de démontrer que des boites peuvent réduire le temps de travail tout en maintenant la rentabilité et le chiffre d’affaires… »

Après l’expérimentation, 57% des salariés disent se sentir plus aptes à effectuer leur travail en 4 jours plutôt qu’en 5 (...) Aujourd'hui, on a tendance à trop confondre être occupé et être productif.

Avec un tel système, vais-je devoir travailler cinq jours en quatre ?

C’est une crainte partagée de nombreux salariés : travailler autant qu’à l’heure actuelle, sur une période plus compressée. Certaines expérimentations participent de cette confusion, en évoquant non pas une semaine de 4 jours, mais une semaine en 4 jours.

« C’est une crainte légitime et récurrente chez beaucoup de salariés, abonde Philippe du Payrat. Ce que je peux dire, c’est qu’après l’expérimentation, 57% des salariés disent se sentir plus aptes à effectuer leur travail en 4 jours plutôt qu’en 5. Pourquoi ? Parce qu’on a repensé le travail et qu’on a arrêté de faire certaines choses moins pertinentes. Les gens sont également plus reposés. Car que font-ils sur ce temps en plus ? Ils dorment, ils pratiquent du sport et ils ont des liens sociaux. Ils se ressourcent ! Donc quand ils sont au boulot, ils sont pleinement au boulot. »

« C’est contre intuitif, mais les gens se sentent plus aptes à faire leur boulot en 4 jours qu’en 5. Aujourd’hui, on a tendance à trop confondre être occupé et être productif. Tout le monde court après le temps. Pourtant, on bosse deux fois moins qu’il y a 100 ans… »

La semaine de 4 jours peut-elle s’imposer comme la nouvelle norme ?

Un argument revient souvent quand on parle de la semaine de 4 jours : J'voudrais bien mais j'peux point. C’est impossible dans mon entreprise, mon secteur, mon métier, etc. Une vision que balaie d’emblée Philippe du Payrat : « Si l’on consolide les différentes expérimentations nationales à travers le monde, sur un total de 400 entreprises formées, 90% d’entre elles poursuivent la semaine de 4 jours après l’expérimentation ! Cela prouve bien que ça marche. Si c’était un four, tout le monde arrêterait »

Il concède tout de même que ce n’est pas fait pour toutes les entreprises, notamment en cas de difficultés économiques : « Si c’était une baguette magique, on le ferait partout et on n’aurait pas besoin d’expérimenter. Donc si votre business model n’est pas trouvé, que c’est compliqué pour vous économiquement, que vous êtes un nouvel acteur, que vous êtes perturbé par une nouvelle technologie, si votre management est peu formé, si vous venez de vous lancer, si vous êtes en plan de sauvegarde, etc. Dans tous ces cas de figure, ce n’est pas le moment de tester de nouvelles choses. La semaine de 4 jours ne va pas faire disparaitre les problématiques opérationnelles, financières ou de business model. »

Quid des 10% d’entreprises qui reviennent en arrière ? Trois raisons l’expliquent en général : un changement dans le leadership en cours d’expérimentation, des difficultés économiques, ou un manque de clarté sur les objectifs initiaux, entrainant des problèmes de planification et d’anticipation. Pour autant, Philippe du Payrat reste optimiste sur une généralisation à terme de la semaine de 4 jours. « Récemment, une DRH d’une boite du CAC 40 me disait qu’elle était convaincue à titre personnel… mais qu’elle ne savait pas comment convaincre son DG et ses actionnaires. Je lui ai dit : vous venez de me dire que vous aviez 50% des postes non pourvus sur tels métiers ? Avec la semaine de 4 jours, le but est que vous passiez à 10%. »

Il y a 100 ans, c’étaient les mêmes attaques contre la semaine de 5 jours : les ouvriers deviendraient alcooliques et ce serait la ruine du capitalisme.

« Le mouvement que je vois pour l’instant, ce sont plutôt des PME, TPE, ETI, qui commencent à se poser la question des 4 jours parce qu’elles n’arrivent pas à recruter, parce qu’il y a des problématiques d’absentéisme... Ces entreprises prennent conscience que la semaine de 5 jours telle qu’elle est faite aujourd’hui, ça leur coûte de l’argent. (…) . Pourquoi je suis positif ? Parce qu’on a un mur démographique devant nous, c’est structurel. Pour l’instant on est encore à l’heure des pionniers, mais on y arrivera, contraints et forcés. Déjà les boulangeries ou les hôtels y viennent, parce que c’est compliqué de recruter et que sans cela, ils ferment une journée. »

Il y voit même un mouvement historique, un siècle après la démocratisation de la semaine de 5 jours : « Il y a des soubresauts, des phénomènes de conjoncture… mais c’est un mouvement global qui ne concerne pas seulement la France. Partout, on a les mêmes effets positifs, bien que la semaine de 4 jours réponde à des problématiques parfois différentes, et partout on a les mêmes attaques : les salariés vont dilapider leur temps libre dans des loisirs peu enrichissants… Il y a 100 ans, c’étaient les mêmes attaques contre la semaine de 5 jours : les ouvriers deviendraient alcooliques et ce serait la ruine du capitalisme. »

La semaine de 4 jours, c’est un choc de confiance pour les salariés comme pour l’entreprise : mon organisation prend soin de moi, alors je vais prendre soin d’elle.

Comment convaincre mon entreprise de tester ?

L’entreprise 4jours.work propose un test en ligne que vous pouvez retrouver ici : votre entreprise est-elle prête à passer à 4 jours ? C’est un diagnostic gratuit, qui dure 5 min, que n’importe qui peut utiliser. Il porte sur trois axes : organisation au travail, qualité de vie au travail, leadership et culture. Le but est de voir où se situe votre organisation, que vous soyez salarié ou exerciez des postes à responsabilité.

N'hésitez pas non plus à évoquer le sujet avec vos représentants du personnel, les membres du CSE : « C’est pile le bon endroit pour évoquer ce genre de sujet, puisque c’est avant tout une question de contrat social et moral. La semaine de 4 jours, c’est un choc de confiance pour les salariés comme pour l’entreprise : mon organisation prend soin de moi, alors je vais prendre soin d’elle. »

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