14-Juillet. La délicate reconversion des militaires : « J’envoyais des CV partout. Zéro réponse. »
« Beaucoup d’ex-militaires n’exploitent pas toute la palette de leurs compétences »

Clément Têtu en est convaincu : les profils d’anciens militaires ont beaucoup à apporter aux entreprises, souvent « confrontées à des problématiques d’engagement de la part de leurs salariés et en manque de meneurs de femmes et d’hommes pour piloter les activités. » Raison pour laquelle il a fondé le cabinet de recrutement Pépite, qui fait la passerelle entre deux mondes qui se connaissent mal, afin de permettre aux militaires de trouver une nouvelle voie dans laquelle s’épanouir et d’aider les entreprises à toucher ce type de profils qui les intéressent pour leurs valeurs et leur état d’esprit. En ce 14-Juillet, jour de fête nationale, deux d’entre eux placés par le cabinet témoignent de leurs parcours de reconversion dans la vie civile.
« J’ai découvert des choses que je ne soupçonnais pas : dépassement de soi, adrénaline… »
Travailler dans l’armée, c’est souvent une vocation et une aventure professionnelle hors norme. Elle aura duré 32 ans pour Gaëtan Ader, qui s’est engagé en 1992 à l’Ecole des sous-officiers : « J’ai fait une carrière d’une dizaine d’années comme sous-officier dans l’artillerie. Ensuite, j’ai passé et réussi le concours d’officier. J’ai continué à servir dans l’artillerie, en changeant de régiment : d’abord au 1er Régiment d’artillerie de marine à Laon, puis au 40e Régiment d’artillerie à Suippes, où j’ai réalisé mon temps de commandement - un pilier dans la carrière d’officier. Ensuite, j’ai servi cinq ans sur une base aérienne, dans un centre interarmées de formation de l’OTAN, en tant qu’instructeur, dans un centre franco-allemand. Puis, j’ai été envoyé à Djibouti pendant trois ans. »
Pour Cédric Brûlé, tout a commencé par la découverte de la plongée sous-marine à l’adolescence, lors de vacances familiales : « L’un des moniteurs était un ancien nageur de combat. Il m’a bien vendu le truc : "Tu vas être payé pour faire du sport, de la plongée, du parachutisme, et visiter le monde." J’ai fait toutes les démarches pour être fusilier marin, puis commando marine. J’ai découvert des choses que je ne soupçonnais pas : dépassement de soi, adrénaline…Il m’a fallu six ans pour accéder au cours de nageur de combat et intégrer le commando Hubert. Après quelques années, j’ai entamé un brevet supérieur mais j’ai été blessé par balle par un instructeur de tir. Ça a mis fin à ma carrière opérationnelle. Je suis devenu instructeur de plongée avant d’intégrer l’état-major des forces spéciales, où je suis resté six ans. J’ai fini ma carrière sur un poste de R&D en plongée pour les armées. En tout, j’ai fait quasiment 21 ans de service. »
« J’avais atteint mon plafond de verre. Je tournais un peu en rond »
Le déclic pour quitter les forces armées ? Une opportunité qui se présente. « Pendant ma dernière affectation, je travaillais avec des entreprises civiles. Une m’a proposé de les rejoindre, explique Cédric. J’avais fait le tour, et après mon accident, beaucoup de postes me restaient fermés. J’avais 40 ans. Soit je restais dans le confort sans grande perspective, soit je tentais quelque chose de nouveau avec un meilleur salaire. J’ai sauté le pas. » Pour Gaëtan, c’est sa découverte de Pépite qui l’a conforté durant sa reconversion : « au bout de 32 ans, j’avais atteint mon plafond de verre. Je tournais un peu en rond, j’ai eu quelques déceptions. C’est là que j’ai découvert Pépite. J’ai commencé à regarder ça d’un œil distant, puis ils m’ont pris en main, conseillé, aidé à préparer mon CV, à passer un entretien pour un premier poste… qui n’a pas débouché. Mais sur le deuxième poste, tout s’est accéléré : en trois semaines, j’ai passé trois entretiens et j’ai eu une proposition d’embauche. C’est même moi qui ai dû freiner un peu, car j’avais un délai légal de prévenance. »
« J’envoyais des CV partout. Zéro réponse. »
Si tout est allé très vite pour Gaëtan, Cédric a connu plus de remous lors de son retour à la vie civile : « J’ai intégré une startup dans un secteur de niche. Mais le patron avait "oublié" de me dire qu’il attendait des financements qu’il n’avait pas. Dès le deuxième mois, je n’ai plus été payé. Une découverte du monde civil très brutale ! D’autant que je suis parti de l’armée sans vraiment préparer mon départ. Je me suis retrouvé sans repères. J’envoyais des CV partout. Zéro réponse. Mon CV était incompréhensible pour un recruteur. »
Le CV, si commun pour la plupart des gens, est souvent la première embûche dans le parcours de reconversion des militaires. « Le cabinet Pépite m’a aidé à “civilianiser” mon CV » explique Gaëtan, qui occupe aujourd’hui un poste dans la logistique. « J’ai écrit mon histoire avec mes mots militaires, et eux m’ont dit : “Ce que tu as fait, ça correspond à ça.” Par exemple, “commandant d’unité” devient “manager de 150 collaborateurs”. Tout ce que je fais actuellement, je le faisais avant, mais avec un vocabulaire différent. » Selon Cédric, l’étape du CV est un premier filtre qui continue à être délicat pour les anciens militaires, qui ont parcours atypique au regard du marché de l’emploi : « même avec un CV “civilisé”, je n’ai aucun retour quand je l’envoie moi-même. C’est tout l’intérêt des cabinets comme Pépite : ils savent "vendre" un profil comme le nôtre, qui n’est pas lisible autrement pour un RH. Les entretiens, je n’ai jamais eu de souci. Mais pour passer ce premier filtre du CV, c’est très compliqué sans intermédiaire. »
Pour Clément Têtu, les militaires sont souvent victime de « freins qu’ils se mettent eux même » : « leur plus grande difficulté reste la méconnaissance du marché de l’emploi. Mais ils pêchent aussi dans la façon de présenter leur parcours. Ils me disent souvent qu’ils ne savent pas se vendre... alors qu’ils doivent plutôt faire preuve de pédagogie, expliquer concrètement ce qu’ils ont fait, ce dont ils sont capables. On les aide à opérer ce changement d’état d’esprit. »
« J’ai eu du mal à tutoyer mon directeur »
Une fois en poste, les anciens militaires vivent généralement un petit choc culturel. Ce qui a le plus marqué Gaëtan ? Le tutoiement ! « À l’armée, on vouvoie les supérieurs. En entreprise, tout le monde se tutoie. C’est déroutant. J’ai eu beaucoup de mal à tutoyer mon directeur sans avoir instauré de relation de confiance. Il faut s’adapter à ces nouveaux codes, sans pour autant perdre ses repères, et avoir la curiosité de comprendre le fonctionnement de l’entreprise. Accepter que les choses n’aillent pas aussi vite que dans l’armée. En entreprise, il faut convaincre, argumenter, donner du sens. »
Chez Cédric, c’est l’absence d’esprit de corps qui lui a sauté aux yeux : « Dans l’armée, c’est l’intérêt du groupe qui prime. Dans le civil, c’est souvent l’intérêt personnel. Quand tu proposes des améliorations, tu mets parfois en lumière les manques de ton N+1… donc ça ne passe pas. Si la même idée vient d’un supérieur, là c’est génial. »
« Contrairement à ce qu’on peut penser, un ancien militaire est très bienveillant avec ses équipes »
Malgré ce temps d’adaptation, les ex-militaires ne manquent pas de compétences. « On a une rigueur et un savoir-être » note Cédric, qui pointe également l’humilité et le sens de l’humain : « Je gère 120 personnes dans un entrepôt et je connais chaque employé. Contrairement à ce qu’on peut penser, un ancien militaire est très bienveillant avec ses équipes. Je sais qui est qui et l’importance de chacun. »
« Mon premier outil, c’est l’humain, confirme Gaëtan. J’aime manager. Je place les bonnes personnes aux bons endroits et je les aide à évoluer. Je viens de promouvoir des gens qui doutaient d’eux-mêmes. Je les ai accompagnés, formés, mis en confiance. Et maintenant, ils me disent : “Finalement, ce n’était pas si dur.” C’est ça, notre force. »
Plus que telle ou telle fonction, c’est dans le management de proximité que les ex-militaires s’épanouissent le plus abonde Clément : « Tous les postes qui nécessitent du leadership. Au bout de six mois de carrière, un militaire encadre déjà des nouvelles recrues. Beaucoup d’entre eux cherchent donc un métier où ils peuvent exprimer cette compétence forte, celle d’encadrer, de fédérer, de planifier, créer du sens. »
« Et puis, on nous apprend aussi à tout prévoir » renchérit Cédric. « En cas de difficulté, on a potentiellement déjà anticipé les choses et il n’y a aucun stress, le plan est déjà prêt. On apporte également un œil différent sur les process… » A cela s’ajoute un certain « sens de la mission » plaide Gaëtan : « On va au bout, on cherche toujours des solutions. On ne dit jamais : “Ce n’est pas possible.” En logistique, on doit s’adapter en permanence. J’apporte cet engagement, cette volonté de bien faire. D’autant qu’on ne compte pas nos heures. J’ai toujours fonctionné sans regarder la montre. »
« Ils s’imaginent parfois incapables de faire tel métier (…) c’est une forme de gâchis »
Sur le papier, quelle entreprise ne rêverait pas d’engager des salariés avec de telles soft skills ? Pourtant, elles passent souvent à côté de ces profils… qui ont eux-mêmes tendance à s’autocensurer. Le but de Pépite est précisément « de leur ouvrir le champ des possibles » explique Clément. « Beaucoup s’orientent par défaut vers la sécurité. Alors que tous les secteurs peuvent leur convenir. Ils s’imaginent parfois incapables de faire tel métier ou d’intégrer tel secteur qu’ils ne connaissent pas. Alors que 99% d’un job d’encadrement, c’est du savoir être et de la science humaine. Je me suis rendu compte que beaucoup de militaires, après leur carrière, faisaient des jobs qui n’exploitaient pas toute la palette de leurs compétences. C’est une forme de gâchis. » Et Cédric de conclure : « ne craignez pas d’embaucher d’anciens militaires ! Leur CV est moins académique, mais ils ont beaucoup de choses à apporter. »
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