La lutte syndicale au cinéma : les recos de la rédaction

Agriculteurs, profs, cheminots, laboratoires médicaux, services publics : en l’espace de quelques jours, tous ont annoncé des grèves, blocages et actions dans les mois à venir. À l’aube d’un automne sous forte tension sociale, on s’est donc intéressé à la représentation de la lutte syndicale dans le cinéma, sujet mainte fois abordé par les metteurs en scène, entre drames sociaux poignants et comédies satiriques.

Un idiot à Paris

« Le chômage… Le chômage et son cortège de misères… Y avez-vous pensé ? Finie, la p'tite auto, finies les vacances au Crotoy, fini l'tiercé… C'est pourquoi, mes amis, si vous avez des revendications de salaire à formuler, vous m'adressez une note écrite et j'la fous au panier, et on n'en parle plus. Nous sommes bien d'accord ? »

Une comédie française comme on savait les faire à la fin des années 60 : irrévérencieuse et paternaliste en même temps, avec un casting 3 étoiles et des répliques qui ne passeraient peut-être plus en 2024. Un Idiot à Paris n’en demeure pas moins un classique de l’époque, qui fait apparaître le cultissime et regretté Bernard Blier sous les traits de Monsieur Dessertine, patron d'un commerce de viande en gros. 

L’« empereur de la viande », comme on le surnomme, est intraitable avec ses employés, et doit faire face à un mouvement de grève. Le patron à l’ancienne ne fait pas vraiment cas des revendications de ces derniers, et le fait savoir dans une scène légendaire, qui vaut à elle seule le détour : sa confrontation avec le délégué syndical, un moment d'anthologie qui cristallise toute l'ironie et la tension sociale de l'époque.

En Guerre

Vincent Lindon est au film social français ce que Julia Robert est à la comédie romantique américaine : vissé sur le podium, sans concurrent sérieux au trône. Le réalisateur d’En Guerre, Stéphane Brizé, est également familier du genre, ayant sorti précédemment La Loi Du Marché en 2015, (déjà) avec Lindon dans un rôle d’employé confronté aux logiques économiques impitoyables de l'entreprise moderne.

Sorti en 2018, En Guerre prend la forme d’une fiction ultra réaliste, presque documentaire, et suit le combat du charismatique Laurent Amédéo, qui n’est pas sans rappeler la figure emblématique d'ArcelorMittal, Édouard Martin. C’est d’ailleurs contre la fermeture de son usine qu’Amédéo se bat, en envahissant les locaux du Medef, en ralliant les autres syndicats à sa cause, jusqu'à trouver un repreneur potentiel. Une fiction tristement familière, qui sort, comme un présage, quelques mois avant la vague Gilets Jaunes.

Potiche

Pas franchement habitué à mettre en image les luttes sociales et la condition ouvrière, François Ozon plante pourtant le décor de son douzième film dans un fleuron de l’industrie textile du nord de la France, sous fond de grève et de séquestration de patron. Celui-ci, joué par Fabrice Luchini, est un chef d’entreprise caricaturalement macho, réactionnaire, méprisant et – évidemment – infidèle. 

Après avoir été relâché par ses employés, il tombe malade et se retrouve contraint de laisser les rênes de la PME familiale à son épouse, jouée par Catherine Deneuve, qui se révèle être une cheffe d’entreprise efficace qui réussit à gagner le respect des employés. Une comédie ultra-kitch dans la lignée de Huit Femmes, dont le génie est plus comique que militant. Ça fait du bien aussi, parfois.

Norma Rae

Un classique du cinéma social américain des années 70 et grandement inspiré de la vie de la militante américaine Crystal Lee Sutton, employée dans l’industrie textile au début des années 1970, qui s’est battue, une décennie durant, pour l’instauration d'une section syndicaliste dans son usine. 

Le film prend place dans une petite ville du sud des États-Unis. Chaque jour, une grande partie des habitants se tuent à la tâche dans des conditions de travail désastreuses, sans être syndiqués… Jusqu’au jour où un représentant syndical new yorkais visite l’usine et tente de les convaincre de se regrouper en organisation, afin de faire valoir leurs droits (l’existence d’un syndicat aux États-Unis doit passer par un vote des salariés). L’une d’entre eux, Norma Rae, va faire de ce combat le sien... Et y parvenir, malgré les tentatives de l’entreprise de la faire taire et de décrédibiliser son message.

Bread And Roses

Compliqué de parler du syndicalisme au cinéma sans évoquer Ken Loach, tant le britannique a consacré une grande partie de sa carrière à mettre en scène et en lumière les luttes sociales et la condition ouvrière au Royaume Uni. Si le réalisateur s’était déjà penché sur l’action des syndicats en Angleterre (Riff-Raff, The Big Flame), il s’installe cette fois à Los Angeles, pour raconter le quotidien des employés de ménage, pour la plupart immigrés hispaniques, au milieu des années 90.

À l’image de Norma Rae, le film est inspiré de faits réels, et suit le parcours de Maya, qui fuit son Mexique pour rejoindre sa sœur en Californie. Embauchée pour faire le ménage dans un immeuble d’affaires, elle est frappée de plein fouet par la condition des employés de maintenance, d’une extrême précarité, en contraste total avec le faste d’Hollywood. Elle va donc se battre pour unir ces travailleurs immigrés autour d’un syndicat pour obtenir le droit à l’assurance maladie et une augmentation de salaires.