Elon Musk prédit la fin du travail à cause de l'IA, des spécialistes du sujet le recadrent sèchement

Les 1er et 2 novembre derniers, à Milton Keynes au Royaume-Uni, un grand sommet international sur l’intelligence artificielle réunissait une centaine de dirigeants politiques, experts et grands chefs d’entreprise. Parmi eux, un certain Elon Musk.

« Vous pourrez toujours prendre un job si vous voulez, pour votre satisfaction personnelle »

Intitulée AI Safety Summit, la rencontre entre grands de ce monde avait pour but de poser les bases d’une régulation internationale et de réfléchir aux actions à mettre en place pour atténuer la menace que représente l’IA… et déterminer si elle en représente vraiment une. « Doom or Boom » résumait ainsi The Sunday Times à propos de cet événement qui n’a finalement abouti à aucun engagement concret si ce n’est une déclaration commune pour une IA responsable. Le fait marquant du week-end restera sans doute l’étonnante interview qui a clôturé le sommet. Pendant un peu moins d’une heure, le Premier ministre britannique Rishi Sunak s’est ainsi mué en journaliste pour poser quelques questions à l’un des hommes les plus riches du monde : Elon Musk.

Comme à son habitude, le milliardaire s’est montré inquiet quant au développement de l’intelligence artificielle, se comparant lui-même à Cassandre et félicitant d’ailleurs le Premier ministre pour l’organisation de cette conférence internationale. Mais les deux hommes ne se sont pas contentés d’évoquer les deep fakes ou les questionnements éthiques. Rishi Sunak a aussi choisi de parler emploi avec le nouveau propriétaire de X : « Quand je parle de l’intelligence artificielle avec les gens autour de moi, ils me parlent toujours de l’emploi. Qu’est-ce que l’arrivée de l’IA signifie pour mon job ? Vais-je perdre mon job à cause de l’IA ? Mes enfants auront-ils un job ? (…) qu’est-ce que vous pensez de l’impact de l’IA sur le marché de l’emploi ? »

Contrairement au pensionnaire du 10 Downing Street, qui se voulait plutôt confiant - citant par exemple une étude du MIT qui rappelle que 60% des emplois actuels n’existaient pas il y a 40 ans -, Elon Musk s’est réfugié dans la prophétie, évoquant pêle-mêle l’auteur de science-fiction Iain Banks, le génie d’Aladin ou des robots humanoïdes tueurs :

« Je crois que nous sommes en train d’assister à l’apparition de la force la plus disruptive de toute l’histoire de l’humanité. Pour la première fois, on a ici quelque chose de plus intelligent que le plus intelligent des humains. C’est dur de dire à quel moment cela va se produire, mais nous arriverons à un point où il n’y aura plus besoin de travailler. Vous pourrez toujours prendre un job si vous voulez, pour votre satisfaction personnelle en quelque sorte. Mais l’IA sera capable de tout faire. Je ne sais pas si les gens seront à l’aise avec cette idée (…) L’un des défis du futur sera de trouver un sens à notre vie avec cette sorte de génie magique à notre disposition qui pourra faire tout ce que nous voulons. (…) nous n’aurons pas un revenu de base universel, nous aurons tous accès à un haut revenu universel. C’est quelque chose qui va niveler, égaliser, car nous aurons tous accès à ce génie magique. (…) Ce sera un âge d’abondance. »

« Son expertise, ce sont plutôt les voitures et l’espace »

Si la prédiction de Musk risque d’en effrayer (ou d’en réjouir) plus d’un, sa vision du futur du marché de l’emploi a particulièrement énervé un autre participant du AI Safety Summit : Mustafa Suleyman. Le cofondateur de DeepMind et Inflection AI n’a pas mâché ses mots auprès de la BBC en évoquant le ‘présage’ du fondateur de Space X.

« Ce n’est pas un scientifique spécialisé dans l’IA. Il est propriétaire d’une petite entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle. Mais il possède de nombreuses autres entreprises. Son expertise, ce sont plutôt l’espace et les voitures. »

Selon Mustapha Suleyman, personnalité bien connue de l’écosystème IA, la disparition de la totalité des emplois est une hypothèse farfelue… même s’il convient de rester prudent : « Je pense que sur une période de 50 ans, nous devrions être inquiets. Mais c'est une bonne chose. Chaque nouvelle technologie a déstabilisé le paysage tout en apportant des avantages incroyables. »

Emma Parry, professeure spécialiste du monde du travail et de ses évolutions à la Cranfield School of Management, juge également les déclarations de Musk « sensationnalistes et inutiles ».

« Il faut une approche basée sur des preuves qui dit aux gens ce à quoi ils peuvent s’attendre maintenant », a-t-elle déclaré à AP. Si elle ne nie pas l’impact de l’IA sur nos façons de travailler, elle reste persuadée qu’elle « ne supprimera pas nos emplois de sitôt ».

« Il est peu probable que nous voyions cela dans un avenir proche, mais étant donné que l'IA nous permet d'automatiser un nombre croissant de tâches, des transactions de routine à l'analyse de données, il est possible que les lieux de travail soient complètement automatisés. (…) Tant que les organisations donneront la priorité à l'amélioration des compétences des employés afin que nous puissions travailler avec l'IA, nous pourrions même voir des niveaux plus élevés de tâches agréables et de meilleure qualité, ce qui se traduirait par une amélioration de la satisfaction au travail qui, à son tour, bénéficierait à la productivité sur le lieu de travail. »

Si le sujet de l’impact de l’IA sur le marché de l’emploi vous intéresse, consultez également ci-dessous notre interview d’un autre spécialiste du sujet : Luc Julia, créateur de Siri.

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